A l'occasion du prix Sakharov, une appréciation de notre frère Najeeb Michaeel

Le frère Najeeb, qui a étuidié à Fribourg avant d'être nommé archevêque de Mossoul en Irak, faisait partie des nominés pour l'année 2020

Aujourd'hui ont été annoncés les lauréats du prix Sakharov pour la liberté de l’esprit du Parlement européen. Même s'il n'a finalement pas reçu le prix, notre frère Najeeb Michaeel était l'un des finalistes pour le prix de cette année

Remis par le Parlement européen, le prix Sakharov vise à récompenser des personnalités et des organisations qui défendent les droits de l’homme et les libertés fondamentales. 

Le frère Najeeb, qui est devenu un ami pour beaucoup d'entre nous pendant ses études à Fribourg en 2013 et 2014, est aujourd'hui l'un des dominicains les plus connus dans le monde.

C’est lui qui lors de l’entrée du groupe terroriste dit l'État islamique à Mossoul (Irak) en 2014 a organisé l’évacuation de chrétiens vers le Kurdistan. Dans un effort pour sauver la précieuse bibliothèque de son couvent, qui comprenait de précieux manuscrits datant du XIIIe au XIXe siècle, il a numérisé des centaines d'ouvrages et a ensuite entassé des livres et des manuscrits dans des véhicules qui ont fui la ville avant qu'elle ne tombe.

Notre frère Guy Musy a écrit un article sur le frère Najeeb sur ce site lorsque son livre Sauver les livres c’est aussi sauver les hommes est sorti au printemps dernier.

Aujourd'hui, à l'occasion de cette prestigieuse nomination, nous avons souhaité partager avec nos lecteurs un article et une vidéo réalisés en 2015 par le prieur de notre communauté du couvent St-Paul de Cologny (Genève), le frère Philippe Jeannin

Pour ceux qui ne connaissent pas le frère Najeeb et son histoire, c'est une bonne façon d'apprendre plus. Pour ceux qui le connaissent, le frère Philippe offre une nouvelle perspective, puisque pour lui ce célèbre homme de l'Église devenu archevêque de Mossoul est avant tout un frère.

(Pour ceux qui écoutent la vidéo avec des écouteurs, sachez qu'il n'y a qu'une seule piste audio, qui joue sur le côté gauche.)


Rapport rédigé par le frère Philippe Jeannin :

La situation des chrétiens et des manuscrits en Irak — par le frère Najeeb Michaeel

La chute de Saddam Hussein en 2003 a ouvert une nouvelle page de l’histoire des chrétiens en Irak et en Mésopotamie. Après une première année plutôt calme, des groupes fanatiques ont commencé à terroriser le pays, en commençant par Mossoul. En 2007, les frères doivent abandonner le couvent et l’église pour se réfugier à Karakosh. Par sécurité, ils emportent avec eux les manuscrits, la bibliothèque (± 50 000 vol.) et les œuvres d’art.

Le 10 juin 2014, Mossoul tombe aux mains de Daech qui contrôle désormais la ville et les églises dont celle des frères où ils continuaient à se rendre discrètement pour soutenir les chrétiens restés sur place et célébrer la messe dans la cave, comme au début de l’Église. L’État Islamique n’offre que trois solutions aux chrétiens : la conversion ; le paiement de la Dîme ; la fuite du pays. La majorité opte pour rester et payer la dîme mais Daech refuse, obligeant les chrétiens à fuir : lors du passage des check-points, ils seront finalement dépouillés, dévalisés de tout, argent, or, documents cadastraux, clefs des maisons… ne conservant que leurs vêtements pour fuir, chassés, laissant derrière eux le fruit de leur vie et 2000 ans d’histoire chrétienne. Comment a-t-on laissé agir un groupe de 3000 fanatiques au début de Daech pour en arriver là ? C’est la question posée à la conscience internationale, interroge le frère.

La précipitation des évènements pousse le fr. Najeeb à accélérer le processus commencé en 1990 de numérisation de manuscrits (8000 livres et des milliers de documents actuellement numérisés) ; à renforcer l’équipe du Centre Numérique des Manuscrits Orientaux (CNMO) ; à mettre en cartons et containers tout ce qu’il peut, à l’abri, hors de la plaine de Ninive. Le 25 juillet 2014, un camion emporte vers Erbil dans le Nord, le trésor de l’Irak et de l’Humanité : l’histoire de la Mésopotamie, pas seulement chrétienne, pour la préserver et la mettre à disposition des chercheurs.

 

Le 6 août, fête de la Transfiguration, est - pour les chrétiens - la Nuit noire de l’exode de la plaine de Ninive. Les frères quittent en urgence leur maison, emportant ce qu’il reste de manuscrits, de matériel mais aussi femmes, vieillards et enfants dans leurs deux voitures qu’ils devront abandonner au petit matin, encerclés par Daech, sur un parking improvisé au moment où les kurdes ouvrent les check-points pour mettre à l’abri les personnes. Merci au Kurdistan d’avoir ouvert ses portes pour accueillir ces communautés !

À Erbil, grâce au soutien de bénédictins américains qui envoient deux nouveaux studios, le travail de numérisation peut reprendre. Mais comment aider les milliers de gens, dont 120 000 chrétiens, entassés sur les trottoirs, dans les rues, les églises… ? Comment nourrir, habiller ceux qui n’ont plus rien mais aussi accompagner psychologiquement ces adultes et ces enfants traumatisés ? Comment penser l’avenir quand on n’a plus rien ? Beaucoup partent mais plus encore sont bloqués… 

Le fr. Najeeb trouve alors l’audace avant l’arrivée du froid et de l’hiver de créer des logements en dur au lieu des tentes sur le trottoir. Il récupère et restaure un hôtel inachevé qu’il appelle ‘La Vigne’, en référence à Jésus, la vraie vigne, dont nous sommes les sarments, et pour rester unis au Christ. 90 familles y sont logées. La messe y est célébrée et des activités y sont organisées pour les jeunes et les enfants. Puis c’est un deuxième centre ‘L’Espoir’ qui accueille une communauté de 165 familles dont 10 familles Yézidis, rescapées du génocide. Un étage est réservé aux activités cultuelles et culturelles pour dessiner, danser, peindre, faire du théâtre ou de la photo… pour redonner espoir et entretenir la foi… Un transport scolaire est même organisé pour les enfants.

Le fr. Najeeb, ses frères et sœurs dominicains qui œuvrent avec lui, se sont fixés pour objectif, malgré la situation incertaine, d’accompagner quoiqu’il arrive leurs frères et sœurs chrétiens dans leur décision de quitter le pays ou d’y rester.

Le frère Najeeb Michaeel, archevêque de Mossoul (capture d'écran de la vidéo fournie par le fr. Philippe Jeannin)

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