À TABLE !!

L'homélie du frère Philippe Jeannin pour le dimanche de la Sainte Trinité

Qui dit Trinité, pense d’abord mystère ! 3 en 1, à part les doses pour une lessive efficace qui lave, nettoie en profondeur et assouplit en même temps, ce n’est pas courant, sinon comme argument publicitaire pour mieux vendre. En revanche, pour Dieu, ça ne passe pas. L’Islam réfute catégoriquement la Trinité et les chrétiens d’Orient doivent sans cette préciser : Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit : un Seul Dieu ! Amen ! pour éviter toute mauvaise interprétation.

Mystère compliqué dès qu’on y ajoute le mot personne : 3 personnes en un seul Dieu ?? Une amie religieuse copte me disait : « Pour nous, chrétiens, qui sommes nés dedans, la Trinité, ça va, mais pour les autres, c’est incompréhensible. »

Oui, la Trinité est un mystère, plus par définition qu’en réalité et dès qu’on cherche à la comprendre mathématiquement ou intellectuellement… au lieu de la contempler dans les œuvres respectives du Père, du Fils et de l’Esprit.

Pour essayer d’entrer dans le mystère, je vous propose de revenir à la prière de Jésus, dite prière sacerdotale, au chapitre 17 de saint Jean (Jn 17, 20-26) :

« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé… qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé.
Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi… Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. »

Tout est dit, en tous cas l’essentiel : le but de la mission et le désir de Jésus.

Le Père et le Fils ne font qu’un dans l’unité parfaite de l’Esprit commun qui les unit. Et Jésus demande à son Père de nous introduire au sein de leur relation pour réaliser pleinement l’unité entre nous - Que tous soient un ! - et qu’au cœur de leur unité, nous découvrions et goûtions l’amour dont le Père nous aime comme il a aimé son Fils - que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux - et que nous vivions en eux, au sein de la Trinité, de la même manière que Jésus est venu vivre parmi nous - je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi. Jésus nous veut avec lui, dans sa gloire.

Ce n’est pas plus compliqué que cela, la Trinité, oserais-je dire : c’est exaucer la prière de Jésus en laissant l’Amour du Père nous aimer et l’Esprit travailler à notre unité, en n’y faisant pas obstacle. L’Esprit réalise la communion entre nous comme celle du Père et du Fils.

Il est une image bien connue qui a cherché à illustrer cette communion du Père et du Fils dans l’Esprit, celle qu’on appelle la Trinité de Roublev… Le peintre Andreï Roublev représente les trois anges de la Genèse, retenus par Abraham, qui leur offre un repas sous le chêne de Mambré.

Dans un commentaire que l’on trouve sur internet, un moine de l’Église d’Orient commente :
« … aucune représentation n’est aussi apte que l’icône de Roublev à « introduire » le croyant dans la réalité vivante des trois personnes…

Chacun des trois anges porte en main un bâton allongé et très mince. C’est que chaque personne divine est un voyageur, un pèlerin. Seul le Verbe s’est fait chair, mais il s’est fait chair par la puissance et le vouloir du Père et de l’Esprit. À aucun moment les deux autres personnes n’étaient étrangères à l’œuvre de salut du Fils, à aucun moment elles ne cessent de venir jusqu’à nous et d’agir sur nous d’une manière invisible. L’icône met en lumière la participation de toute la Sainte Trinité à l’Incarnation… Notre Dieu en trois personnes vient, vient à jamais. » (P. Lev Gillet)

Ces trois personnages illustrent donc la Trinité selon Roublev. Ils sont à table et leur regard en dit long. Le Père regarde l’Esprit qui regarde le Fils qui regarde vers la terre, sa mission…

C’est aussi à table, que l’on retrouve saint Dominique, ce dimanche, sur cet antependium installé devant l’autel depuis le jour de Pâques. C’est l’image et le thème choisi par le Maître de l’Ordre pour célébrer les 800 ans de la mort de saint Dominique. Le fr Gérard s’en explique : « Le thème de la célébration du jubilé est À TABLE AVEC SAINT DOMINIQUE ! qui s'inspire de la table Mascarella, la table sur laquelle le premier portrait de saint Dominique a été peint peu après sa canonisation. Ainsi, nous célébrons saint Dominique non pas comme un saint seul sur un piédestal, mais comme un saint jouissant de la communion d’un repas avec ses frères, réunis par la même vocation de prêcher la Parole de Dieu et de partager le don de nourriture et de boisson de Dieu.

À table avec saint Dominique ! n’est pas que le thème de cette année jubilaire, c’est aussi le programme de toutes communautés dominicaines auxquelles le Maître de l’Ordre pose deux questions :

  • Que signifie pour nous d'être à table avec saint Dominique ici et maintenant (hic et nunc) ?
  • Comment sa vie et son travail nous inspirent-ils et nous encouragent-ils à partager notre vie, notre foi, notre espoir et notre amour, nos biens spirituels et matériels afin que d'autres puissent eux aussi être nourris à cette même table ?

Questions que nous portons et auxquelles nous essayons de répondre, jour après jour, individuellement et communautairement, nous, les frères, mais aussi nos sœurs moniales, les sœurs apostoliques et les laïcs dominicains sur notre paroisse.

Travail quotidien pour réaliser en nous et entre nous cette communion à l’exemple de la Trinité et entre nous : « Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » Car notre communion vérifiera la justesse de notre prédication.

À table avec saint Dominique ! ce sera aussi, si vous le voulez bien, le programme de notre paroisse, desservie par vos frères dominicains depuis 60 ans, malgré une interruption momentanée. Qu’est-ce à dire ?

Le Maître de l’Ordre ajoutait une autre question : Comment cette table devient-elle une table pour le partage de la Parole et du Pain de Vie ?

C’est la raison pour laquelle le portrait de S Dominique figure aussi sur le velum de l’ambon. Car c’est bien aux deux tables – celle de la parole et celle du pain de vie – que vous espérez bien être nourris en venant ici. Nous faisons de notre mieux pour vous servir à ces deux tables. Nous ne réussissons pas à tous les coups, mais nous essayons. À vous aussi de nous dire vos exigences, vos attentes dans ce sens pour toujours mieux être à votre service.

Alors, frères et sœurs, en cette fête de la sainte Trinité et en commémorant de la mort de saint Dominique, ensemble, vivons une communion toujours plus étroite avec le Dieu Trinitaire, cherchons à la réaliser entre nous, au sein de nos communautés respectives, familiale, paroissiale, fraternelle, couvent…

Nous exaucerons ainsi, à notre mesure, la demande de Jésus à son Père : « Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17, 21).

fr. Philippe Jeannin

La « Tavola della Mascarella » de l'église Santa Maria della Mascarella à Bologne (détail); photo : www.op.org

Commentaires

×

Veuillez renseigner ce champ.

Veuillez renseigner un nom valide.

Veuillez renseigner ce champ.

Veuillez renseigner une adresse email valide.

Veuillez renseigner ce champ.

Google Captcha Is Required!

Vous avez atteint la limite de commentaires !

* Ces champs sont requis.

Soyez le premier à commenter