Au fil de la messe : Saint, Saint, Saint !

Le Très-Haut devient le Très-Bas

La préface qui introduit la Prière Eucharistique s’achève invariablement avec le triple « Sanctus » latin, le « Trisagion » grec ou notre trois fois « Saint » français. Un refrain que nous sommes invités à chanter avec « les anges, les archanges et toutes les puissances d’En-Haut ».

Un langage bien mystérieux dont la référence biblique ne fait aucun doute. Ce chant reprend textuellement le cri que se lancent les Séraphins, ces serpents ailés et enflammés qui se tiennent au-dessus du trône de Dieu. C’est du moins ainsi que le voit et l’entend Isaïe dans un vision célèbre où lui est aussi notifiée sa mission prophétique (Isaïe 6,1-3). Une façon d’exprimer que Dieu est inaccessible, même si sa gloire, comme « la traine de son manteau » (Isaïe 6,1), remplit le Temple.

Pas seulement le Temple, mais encore l’« univers ». Traduction bien faible de l’épithète «  Sabaoth » qui suit la triple acclamation des Séraphins.Appliquée à Dieu, cette expression laisse entendre que Dieu est le « Seigneur des armées ». La messe latine a repris tel quel le mot hébreu sans prétendre le traduire. Pudique ou timorée, la messe française préfère une interprétation adoucissante. C’est ainsi que le Seigneur des armées devient  le Seigneur de l’univers.

Il ne faut pas savoir lire pour ignorer que la Bible juive que nous avons héritée invoque souvent le Seigneur comme un guerrier qui vole au secours de son peuple en danger ou du juste persécuté. Jésus lui-même en est convaincu. Au moment d’être arrêté, il renonce à faire appel aux « douze légions d’anges » que son Père pourrait mobiliser pour le délivrer (Matthieu 26, 53). Il s’agit précisément d’une armée « invisible » formée  par des cohortes de créatures spirituelles. Autant de signes de la puissance divine dont les manifestations n’englobent pas seulement la terre habitée, mais tous les univers sortis de sa main.

Le Dieu Sabaoth est aussi celui qui est trois fois saint. Autrement dit, pur, séparé, sans souillure, inapprochable. « Sacré », comme le traduit André Chouraqui. Donc, un Dieu éloigné du commun des mortels, sans partage avec eux.

Il est paradoxal de chanter ce Dieu transcendant alors que nous nous apprêtons à faire mémoire du corps crucifié et du sang répandu de son Fils.      « De condition divine, le Christ prit la condition d’esclave, devenant semblable aux hommes » (Phlippiens 2,7).  A la messe, comme sur la croix, le Très-Haut devient le Très-Bas.

fr. Guy Musy

(photo : Bernard Hallet)

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