Au fil de la messe : Seigneur Jésus

Que signifie cette expression souvent répétée ?

L’assemblée réunie pour la messe, après avoir écouté debout l’évangile, s’exclame : Louange à toi Seigneur Jésus !

L’expression « Seigneur Jésus » est l’aboutissement du très long chemin  que les premiers disciples ont parcouru jusqu’à ce qu’ils  appellent « Seigneur» celui qui un jour les interrogeait : « Pour vous, qui suis-je ? » (Matthieu 16,15).

Jusque là, Jésus n’était pour eux que le fils de Joseph, le prophète venu de Nazareth, le maître enseignant ou le rabbi - celui que Marie de Magdala appelait affectueusement dans sa langue « rabbouni » (Jean 20,16) - ou encore le Messie ou le Christ. Mais il fallait aux disciples l’expérience de Pâques pour qu’ils aient l’audace de désigner Jésus sous le titre Seigneur. La Bible grecque traduit en effet par Kurios le nom Yahvé, imprononçable et réservé à Dieu seul.

Affirmer que Jésus est « Seigneur », c’est donc reconnaître à cet homme les prérogatives divines. Seul le chemin de la foi pascale peut nous y conduire. D’abord tâtonnante, vague, hésitante ou carrément dubitative et même négative, elle fait dire finalement à Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Quant aux disciples, effrayés à la vue de ce qu’ils prennent d’abord pour un fantôme (Luc 24, 37), ils finissent par reconnaître celui qui se tient sur le rivage et s'écrient : «C’est le Seigneur ! » (Jean, 21,7).

Le mot Kurios dans la langue profane a d’autres usages. Il peut signifier le maître, le propriétaire et même dans l’antiquité l’empereur auquel on rendait un culte quasi divin. La traduction française « seigneur » a des accents anachroniques qui évoquent la cour des princes et des prélats de l’ancien régime.

Remarque impertinente ? On attendrait des chrétiens d’aujourd’hui et de leurs pasteurs en particulier qu’ils réservent le titre de « Seigneur » à celui qui a reconnu lui-même être « Maître et Seigneur », tout en s’humiliant jusqu’à laver les pieds de ses disciples (Jean 13,1-15). Une surprenante mais exemplaire façon d’exercer sa « seigneurie ».

fr. Guy Musy

(photo : Bernard Hallet)

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