Frère Adrian dans l'Ouest canadien
Notre frère Adrian Schenker, né en 1939 à Zürich, est bibliste spécialiste de l'Ancien Testament. Après des études de théologie à Fribourg, il a obtenu sa licence avant de parfaire sa formation de bibliste à Rome (licence en Écriture Sainte) et à Jérusalem (École Biblique et Archéologique Française).
Il est professeur émérite de la faculté de théologie et ancien vice-recteur de l'Université de Fribourg.
Il a occupé de nombreuses fonctions au service de l’Ordre, notamment comme responsable de la formation religieuse et prieur du couvent Saint-Hyacinthe à Fribourg.
Le frère Adrian est actuellement collaborateur de l’Institut Dominique Barthélemy pour l’Histoire du Texte et de l’Exégèse de l’Ancien Testament, un institut de la Faculté de Théologie de l’Université de Fribourg.
L’année dernière, il a produit en tant que rédacteur (avec Raphaela Gasser et Urs Kamber) une édition de la plus ancienne Bible entièrement conservée en traduction allemande, la « Erste Zürcherbibel ».
Ce mois-ci, le frère Adrian a entrepris un long voyage. En raison d'une amitié qui remonte à plusieurs décennies, il a été invité à donner la retraite annuelle d'un nouveau monastère de moniales dominicaines qui vivent dans une vallée isolée en Colombie-Britannique (British Columbia), à l’extrême Ouest du Canada.
Après une journée entière de route, le frère Adrian arriva au monastère, situé au pied du mont Cloudburst (« Averse »), dans la haute vallée de Squamish, dans un creux entre un glacier et une sorte de fjord qui mène à la baie Howe, puis par le détroit de Géorgie jusqu'à l'océan Pacifique.
Il a fait deux entretiens pour les sœurs chaque jour pendant huit jours et a passé ses nuits dans une petite cabane sans serrure sur sa porte. L'absence d'un moyen pour verrouiller la porte devient plus frappante quand on sait que cette région montagneuse est habitée non seulement par des cerfs et des wapitis, mais aussi par des ours noirs, des loups et des lynx.
Frère Adrian a survécu à son voyage et nous est revenu en bonne santé il y a quelques jours.
Hier, il a eu la gentillesse de s'asseoir avec la rédaction pour une interview au sujet de son incroyable voyage et ceux qu'il a rencontrés (humains et animaux) en cours de route.
***
Frère Adrian, bon retour à Fribourg. Pouvez-vous nous parler un peu du monastère que vous avez visité ce mois-ci ?
En fait, ce monastère est assez nouveau. Les premières sœurs moniales sont venues là-bas en 1999 à la demande du frère Timothy Radcliffe, alors Maître de l'Ordre dominicain. Il n'y a jamais eu de monastère au Canada anglophone auparavant. Alors, le monastère de la Reine de la Paix (« Queen of Peace ») a été construit spécialement pour les sœurs par un architecte canadien, principalement avec des matériaux indigènes comme le bois et le granit gris-bleu. Il y a beaucoup de lumière, avec de grandes fenêtres partout, surtout dans la chapelle et les pièces communes. Le nouveau monastère et sa chapelle furent inaugurés très récemment, pour la fête de saint Dominique (le 8 août) en 2012.
Il y a quelques sœurs âgées (les sœurs Mary Columba et Mary Magdalene) mais la communauté en général est jeune. C'est une bonne chose, parce que leur vie implique beaucoup de travail physique dans un environnement rural, un peu comme dans une petite ferme. Il y a, parmi les sœurs, surtout des canadiennes, mais aussi deux tanzaniennes, plusieurs américaines des États-Unis, une sœur de Trinidad et quelques françaises.
Mais comment se fait-il que vous connaissiez des sœurs dans cette communauté anglophone lointaine ? Comment vous est venue l'invitation à les rendre visite ?
Je connais depuis de nombreuses années la prieure, sœur Claire Rolf.
La sœur Claire est venue en France quand elle était jeune pour travailler à l'Arche de Jean Vanier. Pendant son séjour, elle découvre l'Ordre des Prêcheurs et la vie monastique dominicaine contemplative, au Monastère de Langeac en Auvergne. Elle y entra et y fit sa formation.
Plus tard, sœur Claire fut élue prieure à Prouille, lorsque ce monastère fut refondé avec une communauté internationale dans les années 80. Comme tu sais, le Monastère de Notre-Dame-de-Prouille ou Prouilhe (de l'occitan : Prolha), est le « berceau des dominicains » – la première maison dominicaine de toute l'histoire. Il ne faut pas oublier que la première communauté dominicaine n'était pas un couvent de frères mais un monastère de sœurs. Prouille fut fondé par saint Dominique à la fin de l’année 1206 ou au début 1207, dans un hameau du Languedoc. Et c'est le premier endroit où sœur Claire fut supérieure.
Mais sœur Claire est originaire du Canada anglophone. Lorsque l'idée de fonder une nouvelle communauté au Canada a germé dans les années 90, elle semblait une candidate naturelle. Bien sûr, sa famille est toujours au Canada.
Si je puis me permettre, puisque je la connais personnellement, sœur Claire est une femme d'envergure. J'ai toujours apprécié ses grandes qualités humaines : elle est très modeste et d’une grande douceur et bonté. C'est une personnalité exceptionnelle.
Mais comment avez-vous rencontré sœur Claire ? Je suppose que c'était quand elle était encore en France.
Oui, j'ai donné une retraite à Langeac pour nos sœurs moniales il y a des années, c'est ainsi que j'ai rencontré sœur Claire. En plus, à l’époque je participais régulièrement à la session commune de formation des moniales. C'était l’idée d'organiser des sessions pour la formation commune de toutes les sœurs moniales francophones, et j’ai donc rencontré des moniales de Beaufort, Saint-Maximin, Taulignan, Chalais, Estavayer, Langeac, Orbey près de Colmar, Lourdes, et même d’Oslo en Norvège, et d’autres encore, toutes se retrouvant dans un même endroit. Elles se réunissaient comme ça chaque année pour trois semaines de formation théologique et spirituelle, et ma participation à ces sessions a duré environ une dizaine d'années. Les sœurs m'ont donc bien connu.
Avez-vous hésité à accepter cette invitation ? D'une part, tous vos entretiens étaient censés se dérouler en anglais, une langue que vous connaissez bien mais dans laquelle vous ne travaillez pas tous les jours. Et bien sûr, l'ouest du Canada est très loin.
Oui, j'ai hésité un peu. Pour dire la vérité, j'ai accepté parce que ce monastère est matériellement pauvre, nouveau et jeune. Ils n'ont pas de biens immobiliers, comme c'est parfois le cas en Europe. Et les sœurs n'ont vraiment pas beaucoup de revenus. Le terrain sur lequel le monastère est construit appartient entièrement à la communauté, mais il n'a pu être acheté qu'avec l'aide exceptionnelle de bienfaiteurs.
Cela signifie qu’elles sont en diaspora, loin d’autres monastères et communautés qui pourraient leur envoyer facilement des personnes qualifiées pour les confessions et pour des cours et sessions de formation. Faire venir des frères-professeurs ou d'autres enseignants venant de loin n’est ni simple ni bon marché. Il n'y a pas de frères dominicains dans cette région. Un archevêque philippin à la retraite est actuellement l’aumônier des moniales. C'est un homme fraternel et aimable, pieux et instruit, d’une vie personnelle exemplaire, mais il ne pourra pas toujours rester là-bas. Et bien sûr, il est toujours bon pour la communauté d'entendre une voix différente et d’entendre un enseignement capable de renouveler et d’approfondir la foi et la vie monastique.
Il faut savoir qu'il y a une amie du Monastère qui vit en Suisse. Elle est très généreuse pour les moniales, et c'est elle qui a bien voulu se charger des frais du voyage du prédicateur venu de loin et membre de l’Ordre des Prêcheurs (dominicain).
Quelles ont été vos impressions à votre arrivée ? Je ne sais même pas si vous êtes déjà allé au Canada...
C'était ma seconde fois au Canada. Je suis allé en Ontario il y a environ huit ans pour un cours sur l'Ancien Testament à la Maison d'études des frères canadiens, dans leur faculté de théologie de l'avenue Empress à Ottawa.
Mais aller à Squamish était un voyage beaucoup plus long. J'ai d'abord dû prendre l'avion pour l'Allemagne, puis j'ai passé 11 heures environ à survoler l'Atlantique et la majeure partie du continent nord-américain. Et même alors, le voyage n'était pas terminé.
On voit l'océan Pacifique lorsqu’on atterrit à Vancouver, parce que la ville est presque directement sur l'eau. De nombreux passagers de croisières et un grand nombre de navires arrivent à Vancouver en provenance du Pacifique. Il a toujours été un port important. La ville possède de grands quartiers chinois, coréens, philippins et japonais – il a vraiment un caractère asiatique. À l’aéroport, je dirais que pour chaque avion en provenance d'Europe, il y en a deux arrivées de Corée, du Japon ou de Chine.
Je n'ai pas pu visiter la ville comme je l'aurais voulu, mais je peux dire que c'est une ville moderne avec un nouveau centre-ville, mais les gratte-ciels ne sont pas démesurés ; ils sont à échelle humaine et d'une architecture de qualité, sans faux clinquant.
Mais comment êtes-vous arrivé au monastère depuis Vancouver ?
Après l'atterrissage à l'aéroport, j'ai trouvé un bus qui a voyagé deux heures et demie en direction du monastère. Les sœurs sont venues me chercher en voiture à la gare routière, mais nous avions encore 30 minutes de route avant d'arriver au monastère. Quiconque s'y est rendu sait que ces distances sont considérées comme courtes en Amérique du Nord.
Donc vous êtes enfin entré sur le terrain du monastère. Qu'est-ce qui vous a impressionné ?
Ma première impression du lieu fut le paysage solitaire. Ni village ni ville. Ce n'est pas comme en Suisse ou en France, où il y a des maisons partout. Ici seules la forêt et les montagnes.
Le monastère se trouve dans une région habitée par le peuple autochtone, de la « first nation », comme on dit au Canada, le peuple des Squamish. Il est situé sur une pente, sur une petite terrasse, comme on en voit en Suisse sur les pentes entourant nos lacs. Mais le monastère est le seul bâtiment sur des kilomètres à la ronde, tout blanc avec son petit clocher, entouré de bois et de montagnes. C’était l'automne, mais il n'y avait d’explosion de couleurs, typique du fameux automne du Canada. Ces bois de conifères sont d’un brun et vert foncés, avec des arbres très vieux, pouvant avoir jusqu’à 1,5 mètres de circonférence.
La vallée est entourée de montagnes enneigées. Sur l'une d'elles, un glacier brille dans le soleil, comme ce que nous voyons dans les Alpes. Au début de mon séjour le soleil inondait le paysage. Un ruisseau de montagne remplit l’air de son bruit et de sa fraîcheur.
En nous rapprochant du monastère nous avons vu des aigles – c'était très précisément des pygargues à tête blanche – planer au-dessus de l'eau dans le fjord. On m’a expliqué que c'était la saison où les saumons remontent vers leurs frayères en remontant le courant. Ainsi les pygargues se rassemblent comme les vautours dans l'évangile de saint Matthieu (24,28). Ils s'élèvent et puis ils plongent à la surface de l'eau pour pêcher les saumons.
Splendide ! Mais où avez-vous dormi dans un endroit si éloigné ? Les sœurs avaient-elles une chambre dans une partie du monastère ?
Pas du tout. J'avais ma propre « maison », modeste mais confortable.
En fait, c'était très amusant de voir comment j'étais logé. Les sœurs ont ce qu'elles appellent une maison d'hôtes, mais cette maison est comme une cabane. C'est vraiment une cabane du Club Alpin Suisse, ancien style, en bois, mais bien isolée et confortablement installée, avec des chaises, une cuisine et de grandes fenêtres, orientées vers la lumière du soleil de midi. Tout est simple comparé au confort et même le luxe que l'on trouve en Suisse ou en Allemagne dans les hôtelleries monastiques. En revanche, on goûte un silence total dans une merveilleuse solitude, juste à côté du ruisseau, seul compagnon de l’hôte dans sa cabane.
Ce qui surprend l’hôte venu de loin c’est qu’on ne ferme la porte à clef ni la maison d’hôte, ni dans le monastère, y compris la boutique monastique avec ses produits fabriqués au monastère. Tout est toujours ouvert, jour et nuit. Je dois avouer que j'ai pensé à tous les animaux sauvages qui peuplent la forêt et dont les sœurs parlaient toutes fières. J'ai été épargné de la visite d'un puma à minuit, Dieu merci.
Ça a l’air vraiment très rude.
Oui. Mais les sœurs vivent paisiblement dans ces mêmes conditions. J'ai été impressionné par leur vie monastique sérieuse, faite de prière fervente. Mais c’est aussi une vie austère et rude à cause de l’environnement. Par exemple, les sœurs doivent s'occuper de pomper et d’amener l'eau, et elles sont en train de capter une source. Il y a un moulin à vent qui produit de l'électricité. Heureusement qu’elles sont aidées par des personnes compétentes et généreuses.
De plus, les moniales travaillent régulièrement à l'extérieur – dans le jardin surtout, mais aussi pour aménager leur site. C'est comme la vie dans une ferme canadienne. J'ai vu les sœurs dans leur tenue de travail, et quand elles vont sur le terrain on dirait de vraies fermières à l’ancienne.
Les sœurs ont, au sous-sol, des ateliers de poterie et de savon qu'elles fabriquent pour les vendre dans leur boutique monastique. On se demande d'où viennent des clients dans un magasin si éloigné.
Ce type de vie monastique n'est pas courant en Europe, surtout dans les communautés de femmes. C'est une vie authentiquement priante et contemplative, physiquement exigeante et pauvre.
Quand il a finalement été temps de commencer la retraite et que vous avez présenté aux moniales les entretiens de quoi avez-vous parlé ?
Le sujet, ou le fil rouge, de la retraite était l'Hymne de Saint Paul au début de la Lettre aux Éphésiens (Eph 1, 3-10). Dans la liturgie des heures, on chante cette hymne les lundis aux vêpres, et aussi à toutes les fêtes de l'année liturgique. C’était donc une retraite proche de la lectio divina, c’est-à-dire la lecture de l’Ecriture Sainte faite en commun.
Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ. Ainsi l’a voulu sa bonté à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé. En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes. C’est la richesse de la grâce que Dieu a fait déborder jusqu’à nous en toute sagesse et intelligence. Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ : pour mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre.
(Eph 1, 3-10)
Oui, mais pourquoi avoir choisi cet hymne ?
Et bien, c'est particulier parce que cet hymne est à la fois une action de grâce, louange et un credo. Elle a la forme d’une bénédiction « dans le Christ ». C’est un exemple de la prière et de la confession de foi de la toute première Eglise. Elle contient en fait l'essentiel de notre foi. C'est une ouverture sur les fondements de notre foi, et en même temps sur la prière et à la louange des croyants des temps apostoliques.
À quelle fréquence rencontriez-vous les moniales ?
Je présentais deux entretiens de 30 minutes chacun pour nos sœurs, pendant 8 jours.
Chaque jour était célébrée la messe le matin. Les sœurs commencent leur journée à 6h par l’office des lectures et des laudes, puis à 8h30 l’eucharistie et à 11h nous avions eu notre premier entretien. A 11h30 suivait l’office de midi, suivi du repas, et à 16h le deuxième entretien, suivi à 16h30 des vêpres et, une heure plus tard, du repas, et à 19h les complies étaient chantées. Tout l’office divin est chanté.
J'ai concélébré la messe chaque matin avec l’aumônier, l'archevêque Ramon Arguelles. Et chaque jour je prêchais l'homélie, en commentant les lectures de la messe du jour.
D'après les photos que je vois ici, cette chapelle est vraiment inhabituelle.
La chapelle ressemble un peu à celle des moniales d’Orbey en Alsace, avec sa baie vitrée derrière l’autel. Elle est magnifique. La lumière entre à flots dans la chapelle, et tout est en bois, On n'y trouve pas de matériaux artificiels. L'autel est en granit gris foncé, faite dans la pierre des montagnes. Tous les matériaux viennent des alentours du monastère.
Existe-t-il une tradition liturgique pour la musique chantée au monastère ?
En quelque sorte, oui. L’office est en anglais et est assez sobre. Mais parfois les sœurs jouent sur un sitar indien ainsi que sur deux koras, un instrument de musique à 21 cordes venant du Sénégal. Elles n'utilisent ces instruments que pour des hymnes ou des chants plus solennels. Je pense qu'elles ont découvert la kora à Orbey, où les sœurs l’utilisent depuis des années. Les sœurs qui jouent à cet instrument s'assoient sur un petit tabouret pour jouer.
Avez-vous pu voir des parties du monastère aussi ?
Oui. C'est également assez différent de ce que nous pouvons voir ici chez nous. Les sœurs vivent au premier étage, et la vue depuis leur fenêtre est à couper le souffle. Elles ont un réfectoire et une vaste salle commune (où j'ai donné les entretiens) qui communiquent entre eux, avec une cheminée ouverte. Cet espace est beau et on y respire. Il y a une série d'espaces voûtés en bois remplis de beaucoup de lumière.
Avez-vous eu des conversations informelles avec les moniales ?
Oui, mais dans une retraite on ne parle pas beaucoup. Nous nous sommes rencontrés dans deux belles récréations, et comme prédicateur de retraite on reçoit des sœurs individuellement pour des échanges et des confessions. Les moniales m'ont fait connaître un peu leur région et ses particularités.
Vous ont-elles dit quelque chose que vous ne vous attendiez pas à entendre ?
Une chose que je n'avais pas pleinement apprécié avant de venir à Squamish était la relation entre le monastère et les habitants autochtones, la « first nation ». Cette population vit encore près du monastère. Les moniales se soucient beaucoup de cultiver de bonnes relations avec elle.
Les sœurs soulignent toujours que n'importe qui peut venir les visiter et prier dans leur chapelle. Elles accueillent sans arrière-pensée toute personne qui vient chez elles. Après tout, les catholiques sont une minorité distincte au Canada, et même la prieure n’est pas née dans une famille croyante.
Dans le cas de la « première nation », ces personnes ont beaucoup souffert parce qu'ils ont été chassés de leur propre pays par les Européens au cours des siècles. Certains de ces autochtones gardent une rancune particulière à l'égard des églises qui ne les ont pas respectés jusqu’à une époque toute récente.
Pourquoi ?
Eh bien, comme cela s'est fait ici en Suisse par exemple vis-vis des Jenisch, l'Église a coopéré avec les autorités civiles pour obliger les parents à donner leurs enfants à des institutions chargées de les « éduquer » selon les normes de la société majoritaire.
C'était vécu comme une violation des droits humains élémentaires. Les personnes plus âgées ont des souvenirs fort négatifs de ces années où ils ont été enlevés de force à leurs familles.
Il existe maintenant au Canada un programme gouvernemental officiel de réparation à l'intention des peuples autochtones. Mais du côté de la communauté des croyants, les sœurs m'ont dit qu’elles essaient d'être une présence de paix (« monastère de la Reine de la Paix ») envers leurs voisins de la première nation. Elles ont parfois des visites des Squamish, la population qui a donné son nom à la région.
De quoi vous souviendrez-vous de cette retraite ?
Je vais me souvenir en particulier des vastes espaces, des arbres immenses et de l'isolement, et bien sûr du monastère Queen of Peace qui m’a accueilli si chaleureusement, et où nous avons partagé la parole de Dieu et la prière en profondeur et dans l’affection fraternelle.
Mais il y a aussi eu un événement haut en couleurs auquel je ne m'attendais pas du tout lorsque j'ai décidé d'aller au Canada. Pendant que j'étais avec les moniales, l’aumônier-archevêque philippin a eu son anniversaire de 75 ans.
C'était un jour de grande fête. J'avais l'impression que toute la colonie philippine de Vancouver était venue en visite pour fêter le jubilaire. On sentait l’affection que tout le monde lui portait – cela a certainement changé par rapport au silence profond pendant la retraite. Toute la joie philippine a éclaté d’un coup dans les murs du monastère. On a offert à l'archevêque un gâteau décoré avec un portrait de lui-même qui a suscité des rires sans fin.
Je suppose que les expériences inattendues font les meilleures histoires quand vous êtes de retour à la maison en toute sécurité. On dit que la joie de voyager est dans les surprises.
Je ne sais pas qui dit cela, mais je suis d'accord — en ajoutant qu’il faut sans doute un peu de temps pour que se dégagent les meilleurs et les plus durables souvenirs dans la mémoire.
Merci, frère Adrian.
Commentaires
Soyez le premier à commenter