Il vit et il crut…

L'homélie pour ce dimanche de Pâques de notre prieur le frère Philippe Jeannin

Il vit et il crut… 

Comme cela semble simple… 

Il vit et il crut… comment a-t-il fait, ce disciple que Jésus aimait… alors que beaucoup buttent sur ce fait, sur la foi ? Comment en est-il arrivé là ?

Rappelez-vous, les premiers disciples… : Jean, le Baptiste, se trouvait là avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. » Les deux disciples entendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus. Se retournant, Jésus vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. (Jn 1, 35-39) … André va le dire à Pierre, son frère… puis, le lendemain, il trouve Philippe, qui va le dire à Nathanaël et, même invitation : Viens et vois… et cette promesse : «  Je te dis que je t’ai vu sous le figuier, et c’est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. » (1, 50).

On ne sait pas quand ni comment Jean est entré dans le groupe des disciples de Jésus, mais il a sans doute répondu au même appel : Viens et vois et entendu : Tu verras des choses plus grandes encoreEst-ce donc cette chose plus grande encore qu’il constate devant le tombeau vide qui l’amène à croire en voyant ?

Essayons d’entrer dans le parcours des disciples pour le vérifier… 

D’abord, ils commencent par « faire confiance » en acceptant de suivre ce jeune Rabbi : pourquoi ? pour son enseignement, différent ? Même s’ils ne comprenaient pas tout et posaient parfois des questions à côté de la plaque : « les disciples ne comprenaient pas cette parole, elle leur était voilée, si bien qu’ils n’en percevaient pas le sens» (Lc 9, 45)

Peut-être que Jésus les a regardés ou vus autrement ? Souvenez-vous : « il le regarda et il l’aima… » lit-on à propos du jeune-homme riche (Mc 10, 21). Et c’est précisément le disciple « que Jésus aimait » qui fait cette expérience du tombeau vide. Le même qui s’est penché vers la poitrine de Jésus lors de la dernière Cène.

Le fr Arnaud Lamouille, notre confrère qui a longtemps travaillé sur l’Évangile de Jean à l’École Biblique de Jérusalem, a relevé que c’est le même vocabulaire utilisé pour désigner le mouvement du disciple se penchant vers la poitrine du Jésus à la Cène que pour désigner, dans le prologue de saint Jean, le Verbe « tourné vers Dieu ». Il en déduit que, de même que le Verbe – le Fils – est tourné vers le sein du Père, le disciple, de la même manière, est invité à se tourner vers le cœur du Fils. En ne lui donnant pas de prénom mais en le désignant comme « le disciple que Jésus aimait », l’évangéliste inviterait chacun à faire la même expérience que lui, se sentir aimé, en se tournant vers le cœur du Fils.

Les disciples ont côtoyé et fréquenté Jésus pendant trois ans. Cette fréquentation assidue permet d’entrer progressivement dans la connaissance de Jésus, de mieux le connaître. Même si l’on n’est pas à l’abri des moments de doute, des tentations de le quitter : plusieurs de ses disciples l’ont quitté en cours de route : « À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. » (Jn 6, 66). Précisément parce qu’ils ne croyaient pas : « 'il y en a parmi vous qui ne croient pas.' Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait. » (Jn 6, 64). On a aussi revu ces jours-ci combien, face à l’arrestation, à la condamnation et à la crucifixion de Jésus, ses disciples se sont faits discrets et rares, sauf notre disciple que l’on a retrouvé avec Marie au pied de la croix.

Frères et sœurs, n’est-ce pas finalement sa confiance initiale, comme préalable, même quand on ne comprend pas tout ; l’expérience de se laisser aimer par le Christ et de l’aimer ; sa fréquentation régulière, assidue, même dans les moments de doute, même face à la croix, qui ont conduit ce disciple que Jésus aimait à reconnaître, comme une évidence, devant le tombeau vide, cette chose plus grande encore qui lui avait été promise : la mort et la Résurrection du Jésus, pourtant annoncée aux disciples mais qu’alors ils n’avaient pas comprise : « 'Ouvrez bien vos oreilles à ce que je vous dis maintenant : le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes.' Mais les disciples ne comprenaient pas cette parole, elle leur était voilée, si bien qu’ils n’en percevaient pas le sens, et ils avaient peur de l’interroger sur cette parole. » (Lc 9, 44-45)

Oui, l’évidence est là, en ce matin de Pâques… Le tombeau vide.

Le commissaire Maigret, dans sa formule culte et bien connue, aurait dit : « Bon Dieu, mais c’est bien sûr… » Le disciple bien aimé lui se contente de voir et de croire.

Aujourd’hui, frères et sœurs, notre société tout entière est en crise de foi, à tous les niveaux. Parce qu’on n’a plus tout à fait confiance dans les personnes, dans les institutions (Église, police, justice, politiques, dans les journalistes même), ou qu’on ne leur fait plus spontanément ou totalement confiance. On le voit, le manque de confiance mine le moral.

À l’ère ravageuse du soupçon, des fake-news, des conspirationnistes et des complotistes, il est devenu tellement difficile de croire, avec certitude, non seulement en la Résurrection, mais à tout et parfois même à soi-même. La confiance et la foi comme remède aux maux de notre société ? Pensons-y.

Frères et sœurs, en ce jour de Pâques, suivons le chemin, l’exemple, le parcours du disciple que Jésus aimait : faisons confiance à Jésus, à sa Parole, à son Père ; laissons-nous aimer d’abord par eux pour mieux les aimer en retour ; fréquentons-les assidument dans la prière, la lecture de la Parole de Dieu qui peut germer en nous, même quand nous ne comprenons pas tout, même dans l’épreuve et même jusqu’à la croix si elle se trouve sur notre chemin. « Venez et voyezviens et vois… tu verras des choses plus grandes encore » et, devant le tombeau vide, nous aussi nous verrons et nous croirons…

Et que l’on puisse dire aussi de chacun de nous : Il vit et il crut

 

Extrait de « Fraternités Monastiques de Jérusalem : Chants de Pâques (Exultet) »

Illustration du frère Yves, de l'Abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire pour le tableau du Rosaire au Mont Sainte-Odile

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