Judas : Entre le pont et l’eau

Judas Iscariote, acteur incontournable dans le drame de la Passion. A dire vrai, une énigme qui depuis deux mille ans donne lieu à une déferlante de romans ou d’ouvrages plus sérieux.

En fait, il y deux Judas. Le mieux connu est le traitre dont on a  retenu l’affaire des trente pièces d’argent, le prix de son forfait. L’histoire l’a jugé et condamné. A commencer  par le quatrième évangile qui fait de lui un voleur. Serait-ce donc l’amour de l’argent qui l’a poussé à trahir ? On le lui fit bien sentir. Indigne de voir le jour, cet individu n’avait plus qu’à se pendre pour expier son crime.

Mais il y a l’autre Judas, le vrai, l’intime, celui qui échappe au scalpel de ses juges. Un Judas qui n’a de compte à rendre qu’à sa conscience et à son Dieu. Que savons-nous des motivations profondes qui l’ont mis un jour sur le chemin de Jésus ? Que savons-nous de celles qui l’ont amené à le livrer ? Une Immense déception face au comportement « déraisonnable » du Maître ? Un retour à des convictions religieuses traditionnelles ? On ne le saura jamais.

Ce qu’on sait par contre, ce sont les touches de tendresse que lui manifeste Jésus dans ces moments tragiques. Il lui donne la bouchée comme il le fait pour les onze autres apôtres ; il l’appelle « ami » quand le traître l’embrasse dans le jardin. Autant d’invitations de rétablir la confiance et l’amitié perdues. Judas a-t-il tenu compte de ces sollicitations de la toute  dernière heure ? C’est son secret et celui de son Dieu.

J’ai ouï dire que le saint curé d’Ars aimait répéter qu’il y a suffisamment d’espace entre l’eau et le pont pour permettre à un suicidé de regretter son geste. J’en dirai autant de Judas.  Je crois en effet que la miséricorde divine va bien au-delà de nos pardons mesquins.

fr. Guy Musy