« Le bâtard de Nazareth »

  • Fr. Guy

Un nouveau livre de Metin Arditi

Metin Arditi : « Le bâtard de Nazareth » Ed. Grasset, Paris 2023, 193 pages.

Je dois convenir que l’auteur de ce roman – car il s’agit bien d’un roman, ne nous égarons pas ! – me paraît sympathique. Non seulement quand je retrouve son sourire et sa mine épanouie à l’étal d’un salon de livres où il expose et signe les siens, mais encore eu égard à la riche mosaïque de ses origines. Né en Turquie dans une famille juive séfarade, il connut dans son enfance des nurses musulmanes, une gouvernante catholique et maintenant une épouse grecque-orthodoxe. Ce patchwork l’a conduit à une forme de respect et de condescendance religieuse, sans toutefois adhérer à quelque credo.

Le fait qu’Arditi fut élève interne dans un collège privé lausannois et qu’il poursuivit sa formation dans nos régions où il élut domicile ont fait de lui un homme d’affaires avisé, mais aussi, à ses heures, un écrivain francophone dont le succès est confirmé. Les sujets qu’il aborde et l’aisance de son style rendent ses livres accessibles au commun des mortels. Les lecteurs ont plaisir à lire cet auteur qui a l’art de manier le suspens et l’intrigue mis au service de thèmes qui leur sont familiers. Ses personnages sont fictifs, mais si proches du quotidien où évoluent ses lecteurs.

Ce site a déjà recensé un roman de cette veine : « Rachel et les siens », paru en 2020. Arditi plaidait en faveur d’une cohabitation pacifique et constructive entre Israéliens et Palestiniens vivant sur une terre dont les uns et les autres tirent leur origine. Le livre que nous recensons obéit au même principe : mettre la littérature romanesque au service d’une cause.

Mais quelle cause défendre dans ce cas précis ? Celle de Jésus de Nazareth dont Arditi fait l’apologie d’une étrange et insolite manière. Il fait du fils du charpentier de Nazareth un « enfant naturel » de Marie, sa mère, violée par un soldat romain errant dans ces parages. De quoi assurer à ce roman un succès de librairie à l’approche de la Pâque chrétienne.

Non que ce bâtard soit antipathique à notre auteur. Selon son roman, le mythe de sa résurrection diffusé par les quatre évangiles devrait susciter « l’espérance qu’à chaque instant l’être recommence » (p.193). Demeure toutefois que la condition de bâtard, méprisable et méprisée à cette époque, devait nécessairement conduire le fils de Marie à une mort ignominieuse.

J’imagine qu’Arditi n’est pas dupe au point d’ignorer que cette rumeur calomnieuse circulait déjà au 2ème siècle, véhiculée par des auteurs antichrétiens. Il est aussi attesté que ce roman noir a servi d’argument à la polémique de certains milieux juifs contre le christianisme naissant, puis dominant. Les lecteurs de ce site désireux de connaître le détail de cette triste affaire peuvent se référer au livre récent de l’exégète vaudois Daniel Marguerat : « Vie et destin de Jésus de Nazareth ». Curieusement, Arditi dans la toute dernière page de son livre tient à remercier Marguerat. A-t-il bien lu et compris son ouvrage ? Je m’interroge.

Pour se justifier, Arditi pourra toujours se réclamer du genre romanesque de son livre. Personne ne le contestera sur ce point, mais sur l’opportunité du choix de son sujet. Personne n’exige de lui qu’il adhère à la foi en la conception virginale de Jésus, mais qu’il respecte ceux et celles qui la confessent et, plus encore, ceux qui croient en la divinité du fils de Marie. Il n’y a pas de liberté religieuse et même de liberté tout court sans respect.

Enfin, Arditi, qui ne renie pas ses origines juives, ne craint-il pas que le sujet de son roman puisé dans une tradition hébraïque antichrétienne puisse nuire au rétablissement de relations harmonieuses entre chrétiens et juifs ? La moindre étincelle suffit hélas à déclencher un incendie.

Metin Arditi, Le Livre sur la Place, Nancy, 2011 (photo : Ji-Elle/Wikpédia)

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