Le frère Hubert Niclasse (1946 — 2021)

Dans les souvenirs du frère Guy Musy

Ce midi 27 mai, j’apprends la mort subite, survenue dans son sommeil, du frère dominicain suisse Hubert Niclasse, de dix ans mon cadet.

A dire vrai, je n’ai connu Hubert qu’après mon retour du Rwanda. Avant cette date, je n’avais passé avec lui qu’une journée de détente alpestre en compagnie de son ami Paul Grosrieder, encore dominicain à cette époque. Mais sa réputation avait précédé cette rencontre furtive et éphémère.

Hubert, qui fréquenta comme moi le Collège St-Michel de Fribourg était connu pour être un esprit libre et indépendant. Il obtint – mais comment ? – de passer son année de noviciat en 1968 à Nantes, alors que le gros de la troupe des novices dominicains suisses prenait le chemin de village de La Sarte en Belgique. Au terme de ses études théologiques de base, Hubert devient vicaire à la paroisse St-Paul de Genève (1977-1980) et mène de front des études universitaires qui lui valurent une licence en droit.

Il en tira largement parti au cours de sa vie en secourant de multiples personnes – des pauvres surtout – qui bénéficiaient de ses conseils et de son assistance en vue de recouvrer leurs droits lésés ou leur dignité baouée. L’entretien ne se faisait pas dans une étude d’avocat – Hubert ne le fut jamais – mais autour d’une table de cuisine ou de bistrot, quelque part en Basse-Ville de Fribourg ou dans un village accroché aux pentes du Gibloux, non loin de sa Gruyère dont il connaissait par leur nom… tous les chamois.

Car notre Hubert, comme son saint patron, aimait la chasse. Quand le gibier local se faisait rare, ses amis chasseurs l’entraînaient au-delà des mers pour traquer quelques sangliers ravageurs. Quand on le chatouillait sur ce thème, Hubert nous tenait des propos écologiques, prétextant que la chasse sauvegarde un équilibre naturel en sacrifiant les individus les plus faibles et, du même coup, assure la survie de l’espèce. Par bonheur, il n’appliquait pas ce principe darwinien à l’espèce humaine !

Car Hubert, en dépit des apparences, était d’abord un prêtre et un dominicain, sensible à toute détresse physique, sociale et bien sûr spirituelle. Sa paroisse était aussi vaste que son cœur. Ceux et celles qui redoutaient de frapper à la porte d’un presbytère recouraient à lui pour le baptême d’un enfant, dire adieu à un être cher ou bénir une noce plus ou moins « régulière ». Ce qui était compliqué et même impossible au départ devenait avec lui accessible et s’ouvrait aux portes de la miséricorde.

J’avoue avoir été surpris par son élection en 1994 à la charge de provincial des dominicains suisses. Mais beaucoup moins lors du renouvellement de son mandat en 1998. Je ne fus pas le seul à avoir apprécié sa sagesse, son respect des personnes, son affabilité. Bien sûr, sa communauté aurait souhaité le voir davantage présent à l’intérieur de ses murs, mais je pense qu’il ne ferma jamais sa porte – ni celle de son chalet ! –  aux frères qui souhaitaient le rencontrer. Il avait la même délicatesse pour nos sœurs moniales d’Estavayer. Elles doivent à ses conseils compétents et à son entregent la création de La Source, l’hôtellerie monastique qui ne cesse encore aujourd’hui d’accueillir leurs hôtes.

Et que dire des multiples services qu’Hubert rendit à notre communauté genevoise ? Pendant des années, il accepta l’office d’expert comptable, un service qu’il rendit aussi à l’ensemble de la Province et qu’il exerçait encore la veille de sa mort en faveur de sa communauté St-Hyacinthe de Fribourg.

Sans papier officiel qui accréditerait un titre quelconque en droit canonique, le frère Hubert fut sollicité par l’évêché de Fribourg pour faire bénéficier l’officialité du diocèse de ses compétences et de ses pratiques juridiques. Il devint même official à l’automne de sa vie, de 2009 à 2018. A diverses reprises, j’ai soumis à son jugement des « cas » difficiles. Plus que l’application stricte d’une règle aveugle, il privilégiait le bien de la personne ou du couple qui recourait à lui. En fait, sans rejeter les normes du droit dont il connaissait aussi l’utilité, il savait les interpréter selon la norme évangélique : « Super omnia, caritas ».

Hubert gardait sans doute en mémoire la parole d’un certain rabbi qui prétendait que « le sabbat est fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat ».

Au-revoir, cher Hubert. Et merci !

frère Guy Musy

Le frère Hubert Niclasse (photo : fr. Anil Prakash D'Souza)

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