« Pâques »

Homélie du frère Michel Fontaine pour Pâques, prononcée le 12 avril 2020 à Saint-Paul

Que s’est-il vraiment passé en ce matin de Pâques ?

Marie-Madeleine vient se recueillir sur la tombe de son Maître. Quoi de plus naturel ! Mais voilà que la pierre est déplacée. Voilà que le tombeau est vide. Sa réaction est également toute normale :

« On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis ». Elle court prévenir les amis, Pierre et Jean. Ils accourent eux aussi sur les lieux et voilà que l’un des deux, va voir plus loin que l’absence, plus loin que le vide, plus loin que la mort. Il voit plus loin que ces simples objets et le vide du tombeau. L’évangile nous dit « Il vit et il crut »…

Arrêtons-nous un instant sur ce raccourci incompréhensible entre, ne rien voir et croire. Qu’a-t-il vu, si ce n’est un tombeau vide comme Marie-Madeleine et comme Pierre ? La question est cruciale.

Et pourtant tout semble tenir à ces quelques mots fragiles : Il vit et il crut

Entre le vide du tombeau, la foi de Jean, le mutisme de Pierre et la présence de Marie qui pleurait… n’y a-t-il pas là d’une certaine manière quelque chose de notre expérience personnelle de notre vie de tous les jours, celle de notre vie de foi qui nous est rappelée en ce temps pascal ?

Cet événement, si difficile à penser qu’est la résurrection, nous saisit comme Marie-Madeleine devant la pierre roulée, comme Pierre muet de stupeur et comme Jean mais qui ose, lui, affirmer l’impensable…

Comment pouvons-nous dans notre existence aujourd’hui entendre cette Parole, l’entendre d’autant plus peut-être dans cette crise sanitaire qui fait en nous monter la peur, l’angoisse et la réalité d’une mort insidieuse et possible ?

Et bien oui, nous pouvons l’entendre cette parole et elle n’est pas brouillée par cette pandémie. Nous le disions dans notre dernière prédication, la Lumière est là et aussi petite soit-elle, elle ne s’éteindra jamais. Nous touchons là le vrai mystère de la Résurrection…lorsqu’il n’y a plus que le vide dans notre existence comme dans le tombeau, sa présence me porte encore et me fait avancer…

Oui, Pâques est ce temps privilégié où nous pouvons relire l’histoire de notre vie de foi. La redécouvrir dans ce qu’elle peut avoir d’incongrue, de fragile mais aussi d’étonnant. En fait, nous sommes souvent habités par cette tension entre l’absence de Dieu dans nos vies, la peine qui nous envahit jusqu’au larmes devant la souffrance et la mort et en même temps, quelque chose d’une espérance peut-être même d’une certitude qui ressemble à l’affirmation de foi de Jean…

C’est cela vivre une foi incarnée mais possiblement tourmentée par un quotidien qui déstabilise. Cela veut dire que nos yeux sont aussi capables comme Jean de voir ce qui ne se voit pas comme les signes d’un nouveau départ, d’une transformation secrète en chacune et chacun. Seul l’amour me permet de voir ce qui ne se voit pas et c’est bien ce qui anime Jean. Il aime le Christ. Son cœur est ouvert et disponible.

Oui, le matin de la résurrection, Dieu montre en se donnant ainsi, combien il est l’Amour. Un amour sans cesse proposé, jamais imposé qui sait s’effacer pour nous laisser de la place et grandir à notre rythme.

Oui, le tombeau ouvert manifeste que la clôture du monde est brisée et que le vide est un appel à naître de l’Esprit et à regarder autrement.

Le grand voile du temple s’est déchiré. Dieu est désormais proche comme nous le sommes de Lui. C’est peut-être ce que nous commençons à découvrir au travers de cette tourmente qui nous frappe. Elle nous entraîne à repenser nos vies, certaines de nos certitudes et de nos illusions matérielles.

Aujourd’hui, nous pouvons ôter la pierre de nos doutes, le tombeau brille d’une Lumière plus forte que les Ténèbres. La mort devient le lieu de notre Pâque qui nous ouvre à la vie et la vie éternelle, laquelle éclaire déjà notre quotidien. Nous ne sommes plus jamais seuls pour traverser nos tempêtes… et celle qui nous touche aujourd’hui tout particulièrement dans le monde.

Demandons au Seigneur de renouveler en nous la force du disciple que Jésus aimait et de dire avec lui : «  Oui, je vois et je crois que tu es le Vivant », car je t’aime.

Risquons ce « Oui » ensemble et ne craignons pas d’aller au large comme nous y invite toujours l’Evangile…

Alors, de quoi aurions-nous peur ?

Amen

fr. Michel Fontaine

Grunewald, retable d'Isenheim, Christ en majesté, vers 1515 (Wikipédia)

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