Rallumer le feu !

Les Actes des Apôtres – que nous entendons chaque dimanche depuis Pâques - relatent que, pendant 40 jours, Jésus est apparu à ses disciples, les entretenant du Royaume de Dieu et leur a enjoint d’attendre, à Jérusalem, ce que le Père a promis : « être baptisés dans l’Esprit Saint sous peu de jours... » (Ac 1, 3-5). Il ajoutait : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins... jusqu’aux extrémités de la terre. » (v 8)... Et même jusqu’en Suisse ! Ça c’est moi qui l’ajoute... de manière apocryphe... évidemment... « À ces mots, sous leurs regards, il s’éleva, et une nuée le déroba à leurs yeux... » (v 9). Ce fût l’Ascension de Jésus, que nous célébrerons jeudi.

Voilà 40 jours que nos disciples sont restés confinés à Jérusalem, depuis la Résurrection, par peur des juifs d’abord, mais aussi parce que le ressuscité leur rendait visite pour les entretenir du Royaume de Dieu... et ils n’ont toujours pas le droit de quitter Jérusalem... pas tant qu’ils n’auront reçu la force d’en-haut : l’Esprit saint qui les poussera à témoigner...

Oui, bientôt 40 jours que Pâques a été célébré... Non pas dans nos églises habituelles, mais dans nos maisons, nos familles, dans le temple de notre cœur, j’espère... Non plus ici où là, comme aurait dit Jésus à la Samaritaine, mais « en esprit et en vérité... », je l’espère aussi...

Curieuse coïncidence, frères et sœurs... Nous sommes, nous aussi, confinés depuis mi- mars... depuis plus de 40 jours... et à peine déconfinés depuis une semaine... Nous aussi, durant ce confinement, nous avons eu peur... du virus, de la mort qui fauchait n’importe comment, sans prévenir... Peut-être avons-nous entendu résonner, au fond de notre cœur, comme un encouragement, la salutation du Ressuscité : « La Paix soit avec vous ! »

Peut-être avons-nous eu des doutes ; nous sommes-nous sentis abandonnés par Dieu... ? Mais aujourd’hui, Jésus redit à chacun, comme pour nous rassurer : « Je ne vous laisse pas orphelins... Le Père vous donnera un autre défenseur qui sera pour toujours avec vous. »

Nous aussi, bien que privés de messes, de célébrations mais grâce aux billets, réflexions, prédications, prières relayées via internet, nous nous somme laissés entretenir du Royaume...

Nous aussi, dans quelques jours, nous allons célébrer la Pentecôte, la venue de l’Esprit saint qui va nous investir d’une force pour témoigner... Oh, ce ne sera pas spectaculaire, nous dit Jésus, car cet Esprit qui va nous être donné, tout le monde ne peut pas le connaître...

Car c’est bien un Esprit nouveau qui va nous être donné – peut-être cet esprit nouveau, une mentalité nouvelle... auxquels beaucoup aspirent au lendemain de ce confinement... Et plus que d’autres, nous sommes invités à préparer cette nouveauté. Un Esprit créateur aussi, qui fait toutes choses nouvelles, capable de renouveler la face de la terre... - ce qu’espèrent aussi bon nombre de nos contemporains après la redécouverte d’une autre manière de vivre quand tout s’est arrêté de force – Cet Esprit dont nous aurons à être les témoins puisque Jésus dit à ses disciples : « vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. »

Cet Esprit, frères et sœurs, c’est celui de notre baptême : l’Esprit de Jésus lui-même, qui ne demande qu’à se réveiller en nous, qu’à se révéler à travers nous, qu’à rayonner autour de nous, dans notre façon de vivre, d’aimer et de servir, dans nos gestes et nos paroles, dans nos attitudes, nos prises de position et nos décisions.

L’Esprit de notre baptême à réveiller, disais-je... Oui, car la première lecture nous a rappelé qu’il ne suffit pas d’accueillir la Parole de Dieu – ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus... l’Esprit saint n’était pas encore descendu sur aucun d’entre eux – mais il faut que cette Parole devienne feu en nous. Comme annoncé par le baptiste : c’est dans l’Esprit saint et le feu qu’il vous baptisera. (Lc 3, 16)

Un Esprit de Vérité, ajoute Jésus, c’est-à-dire dont on vérifiera la véracité dans la concordance, la conformité entre nos paroles et nos actes. Mais un Esprit de Vérité que tout le

monde ne peut pas recevoir... parce qu’il ne le voit pas et qu’il ne le connaît pas : difficile donc à reconnaître... Or c’est précisément à la cohérence entre nos paroles et nos actes, à la concordance de nos attitudes que l’on connaîtra ou reconnaîtra que nous avons reçu l’Esprit. Quand nos vies sonneront juste, telles des instruments de musique accordés pour faire entendre une musique nouvelle au monde. De cette musique-là, soyons les instruments... C’est cela, être témoins...

Dans l’évangile de ce jour, Jésus nous dit encore : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements » et, plus loin : « Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime » (Jean 14, 15-21). Or LE commandement que Jésus nous a laissé, c’est : « ... de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. » (Jn 13, 34).

S’aimer, en vérité, dans l’Esprit de Jésus : voilà encore l’Esprit de Vérité qui fait des disciples de Jésus ses témoins : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13, 35)

Enfin, comme nous y invite Pierre dans la deuxième lecture, être témoins c’est aussi « être prêt à tout moment à présenter une défense devant quiconque nous demande de rendre raison de l’espérance qui est en nous ». Là encore, si nous sommes mus par l’Esprit, c’est le Défenseur annoncé par Jésus qui présentera notre défense devant quiconque nous demande de rendre raison de l’espérance qui est en nous. Mais Pierre ajoute : « Faites-le avec douceur et respect. » C’est aussi la manière de vérifier que c’est bien l’Esprit en nous qui prend notre défense, et non nous qui nous défendons. Comme le rappelle S. Paul, la douceur, la maîtrise de soi et la charité sont bien les fruits de l’Esprit Saint. (Gal 5, 22)

Frères et sœurs, à quelques jours de l’Ascension et de la Pentecôte, préparons-nous à raviver l’Esprit de notre baptême, à réveiller en nous l’Esprit de Jésus, à le laisser, comme le chantait une légende de la chanson française, « Rallumer le feu ! »

fr. Philippe Jeannin