Saint Nicolas et Jean-Baptiste

Homélie du frère Guy pour ce deuxième dimanche d’Avent qui est aussi le jour de la fête de saint Nicolas.

Mon enfance a baigné dans le culte de saint Nicolas de  Myre. Non pas ce Père de l’Eglise qui aurait participé au Concile de Nicée, mais ce personnage mystérieux à longue barbe, habillé comme un évêque, qui apparaissait dans mes rêves d’enfant la nuit qui précédait sa fête. Cependant, il laissait au matin sur le rebord d’une fenêtrer une trace tangible de son passage nocturne : une assiette qui débordait d’oranges, de cacahuètes et, bien sûr, de biscômes sur lesquels un pâtissier avait collé son effigie.

J’ai toujours préféré ces apparitions oniriques aux mises en scène d’un saint Nicolas, en chair et en os, qui dénonçait devant les adultes les incartades de ses petits amis. Et surtout les menaçait en cas de récidive des verges d’un père fouettard qui se cachait derrière lui. Cette frayeur suffisait à faire passer à ces gamins le goût du biscôme qui sommeillait au fond de la hotte du vieil évêque. Cette friandise n’était promise qu’aux enfants sages.

Sans l’avoir cherché, l’évangile de ce dimanche fait apparaître un autre personnage, mais à la barbe broussailleuse, moins soignée que celle du précédent. Un homme hirsute, vêtu d’une peau de chameau, une ceinture de cuir pour la nouer autour de ses reins. Pas de biscômes dans son sac de toile, sinon quelques sauterelles pour son repas du soir. Rien de la dignité onctueuse d’un prélat en tenue de cérémonie, mais celle d’un sauvage, littéralement un homme des bois ou du désert. Ce personnage fantasque - il s’appellait Jean - attirait autour de lui une foule de gens, des adultes bien entendu, et leur tenait un discours assez semblable aux réprimandes de saint Nicolas.

« Il est minuit moins cinq », criait Jean. Il ne vous reste plus que quelques minutes pour reconnaître vos crimes et avouer vos forfaits ».

Autrement dit : « Faites pénitence avant qu’il ne soit trop tard. Avant que le ciel ne vous tombe sur la tête ».

La foudre du ciel ! C’est tout de même plus sérieux que les verges du père fouettard ! Une menace si grave qu’elle incitait les citadins très élégants de Jérusalem venus écouter Jean à se précipiter dans l’eau du Jourdain, pour  confesser publiquement leurs péchés et s’engager dans un processus de rude pénitence.

Cette liturgie aquatique portait un nom spécial : le baptême d’eau. Un rite recommandé par Jean. Si bien qu’on finira par le surnommer : « Baptiste ».

Cette stratégie de la menace et même de la terreur peut sans doute  porter des fruits de conversion. « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse » dit un proverbe biblique. S’amender sous l’effet de la peur du gendarme ou d’un châtiment - qui pourrait être le coronavirus, par exemple - n’est pas si étranger au comportement des humains. En particulier, à certains procédés pédagogiques qui continent d’être appliqués à grande échelle. En particulier dans le domaine des relations internationales où un autre proverbe domine : « Si tu veux la paix, prépare la guerre ! »  Nous ne le savons que trop.

Mais la peur est-elle le prix de la conversion à laquelle nous invite l’évangile ? J’ai comme quelques doutes à ce sujet. Des doutes que Jean lui-même m’invite à dissiper.

Jean nous propose un autre baptême, différent de celui qui se passe dans  l’eau. Il l’appelle « baptême dans l’Esprit ». Et il ajoute que seul « celui qui vient derrière lui et qui est plus fort que lui » est capable de l’administrer.

Alors, chers amis et amies, avons-nous reçu ce baptême dans l’Esprit et non seulement celui de l’eau qui nous a inscrit sur un registre paroissial et qui donna lieu à une fête familiale qui faisait danser de joie nos grands-mères ?

Baptême de l’Esprit…baptême du feu de l’Esprit, de l’amour  qui fait de nous frères et sœurs de Jésus et de tous ceux et celles qui portent en eux l’image de Dieu. Même si hélas il lui arrive d’être déformée.

Un baptême qui a le goût de la joie de croire et non pas celui de la crainte que pourraient inspirer tous les enfers du monde : ceux d’ici-bas ou celui de l’au-delà.

Un baptême qui a le goût du paradis promis au larron repenti.

Un baptême qui fait  briller les yeux d’un enfant.

Baptême de Marie, que sa cousine proclame heureuse parce qu’elle a cru aux promesses de Dieu, malgré son anxiété et ses questions…

Laissons-nous prendre par la joie de l’Esprit, plutôt que par toutes les peurs qui nous assiègent.

Courage, relevons la tête ! 

Après-demain, c’est Noël !

fr. Guy Musy

Saint Jean Baptiste, Saint Nicolas, Cecco di Pietro, Pise, 1386, Avignon, Musée du Petit Palais (photo : Wikipedia)

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