Témoins du Ressuscité

L'homélie de la nuit pascale de notre prieur le frère Philippe Jeannin

La liturgie de la Vigile pascale, frères et sœurs, construite autour des 4 éléments de la cosmogonie traditionnelle – le feu, la terre, l’eau et l’air – nous resitue au cœur de la création du monde comme don de Dieu, et aussi au centre de notre histoire.

Le feu… c’est le feu pascal, allumé tout à l’heure dans le jardin, d’où a jailli la flamme qui fait briller le cierge pascal, symbole de la lumière et de la présence du Christ ressuscité en cette nuit, en notre vie.

La terre, d’où a été tiré l’homme, Adam, comme le précise le second récit de la Création dans la Genèse, immédiatement à la suite de celui que nous avons entendu.

L’eau, si nécessaire à la vie et dans laquelle l’homme est régénéré pour une vie nouvelle par le baptême.

L’air : le Souffle de Dieu qui plane sur les eaux, sur toute chair et le souffle insufflé dans les narines de l’homme pour l’animer et lui donner vie.

Par ailleurs, les textes de l’Écriture que nous venons d’entendre nous resituent aussi au cœur de notre vocation :

Le sacrifice d’Abraham nous renvoie à l’histoire du patriarche fondateur du monothéisme biblique, à qui Dieu promet une descendance incalculable tout en lui réclamant le sacrifice de son fils unique. Il préfigure le don que Dieu lui-même fera à l’humanité en lui envoyant son Fils unique et en le ressuscitant du sacrifice de la croix.

La sortie d’Égypte nous rappelle que Dieu est toujours aux côtés des opprimés, pour nous libérer de nos esclavages et nous libérer de la main de nos ennemis.

Isaïe nous rappelle combien Dieu est bon et prévenant pour nous si nous le cherchons de tout notre cœur, si nous laissons sa parole germer en nous, si nous entrons dans l’alliance éternelle qu’il nous propose ;

Ézéchiel nous transmet la promesse d’un cœur nouveau, d’un esprit nouveau, d’un cœur de chair promis à son peuple, malgré ses incartades.

Quant à saint Paul, il nous redit combien notre baptême est une régénération avec et dans le Christ.

Toute l’histoire du monde, de la création, du peuple que Dieu se prépare de toute éternité, de l’humanité toute entière se trouve rappelée, convoquée en cette nuit pascale pour assister à cette scène de l’Évangile où, à la fin du sabbat, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et Salomé, parties au petit matin pour embaumer le corps de Jésus, se retrouvent devant un tombeau vide avec un jeune homme, tout de blanc vêtu, qui leur dit : « Il est ressuscité… il n’est pas ici… allez dire à ses disciples : Il vous précède en Galilée. »

Ce récit d’Évangile de Marc sonne donc comme la fin d’une histoire ? de l’épopée de l’humanité à travers celle de ce peuple que Dieu a formé depuis la nuit des temps ?

Tout ça pour ça ? pourrions-nous penser. L’auteur aurait pu trouver une meilleure finale qu’un tombeau vide et un jeune homme qui dit à ces femmes : « Circulez, y’a rien à voir… allez voir ailleurs s’il y est ? »

Non, frères et sœurs, ce n’est pas la fin de l’histoire, c’est au contraire le début d’une aventure… 

Nous pouvons bien sûr nous contenter de revisiter ainsi, religieusement, liturgiquement, l’histoire et y lire la trace de Dieu… mais cela restera culturel, archéologique, muséographique… tant que notre histoire personnelle n’en sera pas revisitée aussi.

La Résurrection du Christ ne prend vraiment tout son sens que si elle nous touche, nous atteint, nous bouscule, nous provoque, nous convoque à une autre vie, à une autre manière de vivre.

Si nous ne faisons pas personnellement l’expérience de la résurrection, alors elle restera sans effet sur nous… C’est peut-être pour cela que beaucoup de nos contemporains, de nos proches, de nos amis, dans nos familles n’y adhèrent plus vraiment. Parce qu’elle reste un discours plus ou moins convaincant de prédicateur, de curé, d’illuminés peut-être, mais pas toujours dans le bon sens du terme.

Qu’est-ce à dire que la Résurrection doit revisiter notre vie, notre histoire ? Elle nous permet de la relire en y décelant la trace de Dieu, le message du Christ son passage dans notre vie. Sa présence. Son Amour, sa flamme… tous ces relèvements, toute cette espérance, cette foi si difficile à partager mais qui nous fait ne jamais désespérer de nous ni des autres. Elle nous ouvre à une autre perspective, à un autre sens de l’existence, de la vie quotidienne, où nous ne sommes plus des sujets qui subissent mais des acteurs qui agissent pour un monde meilleur, à l’image du Royaume de Dieu.

La Résurrection insuffle en nous une vitalité nouvelle, débordante, un projet de vie qui s’accomplira ultimement en Dieu, au-delà de notre mort et qui ne s’arrête pas avec elle. Elle nous ouvre à une relation d’amitié, de confiance réciproque avec Dieu, avec le Christ, avec nos frères.

Quand Jésus ressuscité, apparaît à ses disciples, et leur dit : « C’est vous qui en êtes les témoins… » (Lc 24, 48), c’est bien parce que l’histoire, son histoire n’est pas terminée, elle ne demande qu’à se prolonger dans ses disciples qui deviennent témoins.

Devenir témoins, ce n’est pas seulement raconter ce qu’on a vu ; c’est témoigner de ce qu’on l’on a appris, reçu, compris… le mettre en forme, en actes, le faire vivre. Tant qu’il y a des témoins, on peut continuer à y croire. Lorsqu’il n’y a plus de témoins, le doute s’installe. Le témoin garantit la crédibilité.

Pour nous qui n’avons pas connu le Christ sinon par le témoignage transmis depuis par ses disciples, c’est par le baptême que nous sommes devenus, non seulement enfants de Dieu, mais aussi frères de Jésus, disciples de sa Bonne Nouvelle. Et c’est à nous que Jésus Ressuscité dit aujourd’hui : « C’est vous qui en êtes les témoins… »

Chers frères et sœurs, en renouvelant tout à l’heure les promesses de notre baptême, réaffirmons notre statut de témoin du Christ Ressuscité : que sa Résurrection nous renouvelle et nous en donne la grâce et la force de témoigner de Lui.

Amen !

La Société Bach néerlandaise interprète 'Kommt, eilet und laufet' ('Venez, dépêchez-vous et courez') pour All of Bach. Cet Oster-Oratorium (oratorio de Pâques) a été joué pour la première fois le dimanche de Pâques, 1725. 

Illustration du frère Yves, de l'Abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire pour le tableau du Rosaire au Mont Sainte-Odile

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