Une bonne nouvelle !

Homélie du frère Philippe Jeannin pour le 12e dimanche du temps ordinaire

Frères et sœurs,

Comme vous, je suis embarrassé après avoir écouté les textes proposés pour ce 12e dimanche du temps ordinaire : où est la Bonne nouvelle dans tout ce que nous venons d’entendre ?

  • Jérémie qui attend de voir la revanche que Dieu infligera à ses ennemis…  Quel exemple !
  • Paul qui affirme que le péché est entré dans le monde, et la mort avec, et que tous sont atteints… même ceux qui n’avaient pas péché… Quelle injustice !
  • Et Jésus qui, tout en rassurant ses disciples persécutés, leur assène comme mise en garde, pour terminer : « celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. » Quel programme !

Je ne vois pas beaucoup de motifs pour chanter Alléluia et acclamer la parole du Seigneur !

Et pourtant… il nous faut la chercher, cette bonne nouvelle, la scruter dans l’Évangile de ce jour, et à la lumière des textes entendus. La bonne nouvelle, c’est la Foi… la démarche dans la Foi… 

Jérémie aurait pu chercher à se venger lui-même de ses détracteurs, des faux-amis qui guettent sa chute… de ses persécuteurs : non, il s’en remet à Dieu : « Le Seigneur est avec moi ! Ils ne réussiront pas. Seigneur, c’est à toi que j’ai remis ma cause… » Comprenez : « Occupe-toi de moi, Seigneur ! sinon, je ferais un malheur… ! »

En écho, le psaume nous rassurait : « Vie et joie à vous qui cherchez Dieu ! Car le Seigneur écoute les humbles, il n’oublie pas les siens emprisonnés. »

La leçon que Jérémie nous donne, est celle de s’en remettre à Dieu plutôt que gérer soi-même. Le proverbe qui consiste à croire qu’« on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même » ne se vérifie pas quand on sait s’en remettre à Dieu : « Il sait mieux que nous-même ce dont nous avons besoin. » (Mt 6, 8)

Et ça, c’est une bonne nouvelle !

Paul, dans sa lettre aux Romains, ne cherche pas à incriminer Adam en le rendant responsable du péché et de la mort. Pour Paul, le péché ne peut être imputé à personne tant qu’il n’y avait pas la Loi. Et pourtant… « depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam. » Mais la référence à Adam est là pour préfigurer le Christ… que, plus loin, il appellera le Nouvel Adam, le Premier né d’entre les morts, l’aîné d’une multitude… 

Ce n’est pas Adam qu’il faut blâmer au regard du péché et de la mort qui affecte tout homme et le condamne, mais vers le Nouvel Adam, le Christ, qu’il faut tourner nos regards, en qui il faut croire car il offre la grâce qu’il répand abondamment sur la multitude. Il apporte le salut et la vie éternelle. Ce dont nous ferons encore mémoire dans un instant : « Prenez, buvez… car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous ET POUR LA MULTITUDE en rémission des péchés. »

Et ça, c’est une bonne nouvelle !

Enfin, dans la page d’Évangile d’aujourd’hui, on se réjouit de la sollicitude du Père qui va jusqu’à compter les cheveux de notre tête pour que personne n’y touche… - pour certains, c’est plus facile, me direz-vous – j’en conviens… mais comme ce qui est rare est cher… je me dit qu’il prendra davantage soin de ceux qui en ont peu… - Bref ! Soyez donc sans crainte, vous valez plus qu’une multitude de moineaux… Jusque-là, ça va… mais attention à la suite : « celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. » Et là, pardonnez-moi, mais je dis non ! Non, Seigneur ! Tu ne peux pas faire ça… Ça n’est pas digne de toi !

Hier encore, nous célébrions solennellement le Sacré-Cœur de Jésus, fête instituée à la demande de Jésus à ste Marguerite-Marie Alacoque, lors de son apparition en juin 1675, après lui avoir montré son « Cœur qui a tant aimé les hommes ! » et qui souffrait de ne pas être aimé en retour : « J'ai soif, mais d'une soif si ardente d'être aimé des hommes au saint Sacrement ; et je ne trouve personne qui s'efforce, selon mon désir, pour me désaltérer, en rendant quelque retour à mon amour. » 

Comment un cœur qui aime tant pourrait-il renier ceux qu’il aime ? Chez les humains, oui, lorsque l’amour n’est pas parfait, entier, mais pas en Dieu ? Impossible ! Dieu est Amour, affirme saint Jean. Son Amour ne peut donc être que parfait, comme Dieu lui-même !

Pourtant, saint Paul l’affirme aussi à Timothée quand il l’exhorte : « Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts (ce que nous faisons précisément aujourd’hui), il ajoute : Voici une parole digne de foi : Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. » 2 Tm 1, 11-12. Jésus serait-il donc capable de rejeter en retour ??

Mais S. Paul ajoute aussitôt : « Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même. Voilà ce que tu dois rappeler, en déclarant solennellement devant Dieu qu’il faut bannir les querelles de mots : elles ne servent à rien, sinon à perturber ceux qui les écoutent. » 2 Tm 2, 13-14. Sans entrer dans une querelle de mots, il faut pourtant bien chercher à comprendre… 

Si nous manquons de foi… - d’autres traductions disent : Si nous lui sommes infidèles… - lui restera fidèle car il ne peut se renier lui-même… affirme S. Paul.

Nous voilà rassurés. Renier le Christ, ce n’est donc pas manquer de foi, ni lui être infidèle. C’est le nier, le Re-nier…à nouveau… Refuser de croire, comme nous met en garde saint Jean, qu’il est le Fils de Dieu, envoyé par le Père dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. (Jn 3, 17-18). Il y a donc un jugement auquel on n’échappe pas… 

Jésus lui-même a laissé entendre que certains n’entreraient pas dans le Royaume… « Seigneur, ouvre-nous ! demandaient les vierges non prévoyantes, Je ne vous connais pas, leur répondit-il. » (Mt 25,12) ou encore : « Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres du dehors. » (Mt 25,30) ou, dans la parabole du jugement dernier : « Éloignez-vous de moi, maudits… car ce que vous n’avez pas fait à l’un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait. » (Mt 25, 45)

Cela pose la question de la liberté de croire : est-on condamné dès lors qu’on ne croit pas ? Je ne le pense pas. Il faut alors chercher à comprendre et analyser les raisons pour lesquelles quelqu’un ne croit pas ou refuse de croire.

Dans bien des cas, c’est un refus de croire en réponse à une injustice ressentie pour laquelle on rend Dieu responsable à tort : une maladie encore incurable qui n’a pas été guérie malgré les prières et les cierges mis à l’autel de la ste Vierge ; un refus d’accueillir à l’église, pour un baptême, un mariage ou un enterrement, quelqu’un qui n’était pas « dans la norme » ou une situation limite…Un abus de confiance de la part d’un prêtre, d’une religieuse, dans une enfance irrémédiablement blessée ou détruite… Ou, comme dans le Dieu pervers de Maurice Bellet, on s’aperçoit qu’on s’est servi de Dieu pour justifier, expliquer des décisions ou des attitudes injustifiables et erronées, alors on refuse de croire à ce Dieu-là. À juste titre. Les raisons peuvent être multiples et compréhensibles, mais quand on découvre la profondeur, la vérité du message de l’Évangile, on ne peut le renier…Notre regard sur Dieu, sur le Christ change et on peut se laisser guider heureusement sur le chemin de la rencontre avec le Dieu de Jésus-Christ, trouver ou retrouver le chemin de la foi.

C’est la foi de Jérémie qui le poussait à s’en remettre à Dieu. C’est le regard tourné vers le Nouvel Adam qui sauve. C’est la foi, solide ou fragile, voire insuffisante, qui empêche Dieu de se renier et de nous renier. C’est le cœur de Jésus, empli d’amour et désireux de notre amour, qui nous aime et nous réconforte.

Et ça aussi, c’est la bonne nouvelle pour aujourd’hui !

fr. Philippe Jeannin

(photo © Dominicains Genève)

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