Véritables chemins de liberté

Ac 4, 32-35/ Ps 95 / Mt 28, 16-20

De Dominique, peu de choses nous restent de lui, pratiquement aucune trace… Et pourtant, des hommes et des femmes depuis plus de 800 ans continuent à vouloir vivre de son intuition pour suivre le Christ.

Notre frère Louis-Thomas Bedouelle, disait de St Dominique qu’il est « caché dans la lumière »… Quelle belle image !

Ne rêvons donc pas d’un fondateur comme nous le souhaiterions mais comme un homme qui a su être présent au monde qui était le sien…Un monde difficile, dans une Eglise tourmentée et controversée.

Et c’est dans ce creuset, avec d’autres, je pense à l’évêque Don Diègue, du diocèse d’Osma (Espagne) dont il était le sous-prieur qu’il a accompagné jusque dans le nord de l’Europe, qu’a germée l’intuition dominicaine… Oui, ce que nous sommes aujourd’hui, comme dominicains, est le fruit d’une intuition partagée, à la fois discrète mais aussi audacieuse et persévérante.

Oui, Dominique dans ce monde du Moyen-âge, cherche la route du Royaume, comme nous aujourd’hui. Sa quête nous dit déjà quelque chose de cette intuition partagée. Il cherche pour lui le chemin du Royaume mais aussi, comme un incontournable, ce chemin pour toutes celles et ceux qu’il va rencontrer. « Il aimait les gens et les gens l’aimaient » nous le rappelle ses biographes. Nous tenons là une dimension de sa force.

Alors, au fur et à mesure que nous entrons dans ce que les historiens nous révèlent de la vie de Dominique et de la fondation de l’Ordre des Prêcheurs, une alliance étonnante et presque incertaine se dégage, celle de la pauvreté et de la prédication, laquelle et cela va se préciser de plus en plus, exigeait une vie de travail intellectuel…

L’intuition apostolique est là ; dit d’une manière plus contemporaine ; la compassion et l’intelligence de la foi. L’un ne peut aller sans l’autre !

Alors quelle spécificité de l’Ordre des prêcheurs ?

La spécificité de l’identité dominicaine s’est précisée dans ce texte du pape Honorius III en 1217, lorsque le terme de « prêchant » fut corrigé par « prêcheur ». Cette correction a révélé l’essence même du charisme de l’Ordre.

Dominique avait eu cette intuition confortée par son environnement, celle d’être consacrée totalement à la prédication et non pas répondre à un mandat temporairement, pour prêcher.

C’est là que la Parole de Dieu d’aujourd’hui nous rejoint dans toute sa puissance : dans les Actes des Apôtres, "Ils portaient témoignage de la résurrection », dans le Psaume 95, « Allez dire au monde entier les merveilles de Dieu » et chez Mt 28, « …tout pouvoir m’a été donné…allez donc…je suis avec vous ».

En fait, il y a chez Dominique quelque chose de Paul : son itinérance qui l’ouvre à l’imprévu de la conversion, sa manière d’avoir été saisi par la Parole, d’en être habité et de vivre, d’une ferveur impressionnante, sa relation à Dieu par la prière.

Aujourd’hui comme hier, cette intuition profonde de Dominique doit nous aiguillonner ; celle de ne cesser de chercher, pauvrement, à comprendre, comment vivre, pour dire ce qu’est le salut, donc pour contribuer à la libération profonde de chacune et chacun.

Il y a chez Dominique l’intériorisation de la Bonne Nouvelle de par l’expression d’une joie profonde qui ne cherche qu’à être partagée.

C’est cette volonté profonde de la réalité et de la force du partage qu’il souhaite mettre au cœur de la vie commune des frères et des soeurs, laquelle prend toute sa signification dans l’expression qui qualifie nos couvents appelés « la sainte prédication ».

Que la Famille dominicaine en Suisse et plus particulièrement à Genève se laisse toujours plus saisir par la Parole !

Comme Dominique, que nous vivions au quotidien de cette intuition et de cette alliance de la pauvreté et de l’intelligence de la foi, véritables chemins de liberté !