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A cheval sur deux frontières

  • Fr. Guy

Le cimetière juif de Genève

Le hasard ou les agréments d’une promenade dans la campagne genevoise me conduit aux abords du cimetière juif « bi-national », de Veyrier-Etrembières, traversé par la frontière franco-suisse.

Je ne suis pas nécrophilie ; c’est la curiosité qui m’a poussé à y pénétrer.

Sur le territoire helvétique est érigé l’Oratoire où sont déposés les corps dans des salles funéraires avant qu’ils soient ensevelis sur le territoire français. Plus de deux-mille-cinq-cents sépultures sur cet espace.

Ce site funéraire singulier a été aménagé voici cent ans pour permettre à la communauté juive de Genève d’ensevelir ses morts. Une loi cantonale de 1876 interdisait en effet les cimetières confessionnels. Mais avant que cette loi ne fut décrétée et appliquée, les Israélites genevois disposaient de leur cimetière à Carouge, ville sarde annexée à Genève en 1815. En 1921 ce cimetière s’avéra entièrement occupé et sans possibilité d’agrandissement. Il a donc fallu que la communauté juive trouve une autre solution. Très originale en effet, puisque le nouvel emplacement devait permettre plus tard une utilisation imprévue à son origine.

Vu sa configuration particulière, à cheval sur deux frontières nationales, le nouveau cimetière de Veyrier-Etrembières servit de passage clandestin aux juifs qui fuyaient la Haute-Savoie occupée par la Wehrmacht et, quelques années plus tard, à ceux qui fuyaient la Suisse pour rejoindre sans complications administratives un port français où ils s’embarquaient pour le nouvel Etat d’Israël.

Il fallut attendre le début de ce siècle pour que l’Etat de Genève reconsidère dans un sens plus libéral ses lois qui réglementaient jusque là la liberté d’expression religieuse. Depuis lors, la communauté juive peut étendre la superficie de son cimetière sur le territoire suisse contigu. C’est donc en Suisse aussi que les défunts israélites peuvent attendre désormais le jour bienheureux de leur résurrection.

Sans doute quelques esprits chagrins récriminent contre ce gaspillage de terrain agricole ou constructible, alors que l’incinération ou les ensevelissements superposés auraient pu l’éviter. Les juifs orthodoxes répliquent que ces dispositions ne se discutent pas et qu’elles relèvent de leur loi et de leur foi.

Les catholiques, pour leur part, ont choisi, après des siècles de réticence, d’adapter leurs coutumes funéraires aux exigences ou à la mode du moment. Sans pour autant mettre en doute leur foi en la résurrection des corps. Une foi qu’ils partagent avec tous les enfants d’Abraham et qu’ils ont reçue de la tradition juive.

Quoi qu’il en soit de l’interprétation donnée par les uns et les autres de leur croyance et de l’opinion qui désormais tient lieu de conviction, reste que la coutume juive d’ensevelir garde le souvenir de chaque défunt. Elle témoigne ainsi son respect pour toute personne humaine. Chaque être humain est reconnu dans sa richesse singulière, chacun est créé à l’image de Dieu.

Les crématoires nazis qui réduisaient les corps des Juifs en fumée avaient mission d’attester que ce peuple était définitivement exterminé. Les cimetières israélites témoignent du contraire ; tout homme a du prix devant Dieu. Chacun est promis à l’éternelle vie.

 

Cimetière israélite de Veyrier, parcelle située à l'Est du chemin des Vignes du Château (photo : Wikipédia/MHM55. Cette photo est publiée sous licence internationale Attribution-ShareAlike 4.0 International (CC BY-SA 4.0))

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