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  • Fr. Guy

Rachid Benzine

Rachid Benzine : Ainsi parlait ma mère. Éditions Points, 2020, 74 pages.

J’ai emmené au Vallon ce livre égaré sur mon bureau conventuel. Son format minuscule et mes nouvelles conditions de vie m’ont permis de parcourir ce récit que l’auteur appelle « roman » mais que j’ai lu comme le journal intime du romancier, sans doute d’origine marocaine. Il est professeur d’islamologie dans un institut francophone et a collaboré avec le Père Delorme à la rédaction de quelques ouvrages portant sur le dialogue interreligieux et interculturel.

Un sujet étonnant et audacieux : les relations, même très intimes, d’un fils adulte universitaire avec sa mère immigrée, illettrée et analphabète. Une veuve marocaine vivant à Bruxelles où elle a suivi son mari, ouvrier dans une entreprise locale et décédé depuis des années suite à un accident de travail.

Le livre ne révèle ni le nom de la mère, ni celui du fils, un universitaire qui vit nuit et jour avec elle et qui se découvre lui-même à son contact. Raison pour laquelle je soupçonne l’auteur d’être lui-même ce fils si particulier et de faire de son roman une double autobiographie : la sienne entremêlée de celle de sa mère. La citation qui suit l’exprime bien :

« Quand elle regarde sa télé ou quand elle dort, j’observe son visage et refais le parcours de la moindre de ses Je ne veux pas penser à cet « après ». Un vide qui va planer dans la maison, au silence qui m‘attend. Peut-on survivre à celle qui vous a donné la vie, qui vous a offert sa vie, veillant jusqu’au vieil âge sur votre bien-être, votre bonheur soucieuse de votre santé et de vos ennuis ? Sur quels genoux poserai-je ma tête ? Quelles mains tiendrai-je pour me réconforter ? Quels yeux pourront irradier l’amour que seule une mère sait donner ? »

En voilà assez pour dépeindre l’affection filiale. Mais le « roman » dénonce aussi l’aliénation culturelle dont souffrent ces maghrébines arrachées à leur terre natale. L’auteur la dénonce à travers le comportement de sa mère qui doit faire face à des humiliations dues à sa culture et à ses origines. Accepter sans révoltes, mais toujours avec respect et en sauvant sa dignité. L’auteur rapporte à ce sujet un geste de sa mère qui refuse dans un office postal de recevoir un colis qui lui était adressé plutôt que donner la preuve de son incapacité à lire et remplir le formulaire qu’on lui tendait.

Un ouvrage où toutes les mères se retrouveront ? Je n’en suis pas certain. Pas plus que leurs fils soient tous semblables à celui que l’auteur met en scène.

 

© Éditions Points

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