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 Ah la belle escalade !

  • Fr. Guy

Une histoire totalement ignorée

Cé qu'è lainô, le Maitre dé bataille,
Que se moqué et se ri dé canaille,
À bin fai vi, pè on desande nai 
Qu'il étivé patron dé Genevouai.

Celui qui est en haut, le Maître des batailles,
Qui se moque et se rit des canailles
A bien fait voir, par une nuit de samedi,
Qu'il était patron des Genevois.

Le « Cé qu’è l’ainô » est une hymne en dialecte franco-provençal et sa première strophe –  il y en a 68 ! – résonne encore dans les rues et les chaumières genevoises au cours des trois premières semaines de décembre. Il n’est pas question de célébrer l’Avent ou Noël, mais la défaite de l’escalade ou la « cacade » de Charles Emmanuel, duc de Savoie, qui se serait très bien vu « prince de Genève », en lieu et place de Pierre de la Baume, dernier prince-évêque régnant, qui s’était enfui, abandonnant lâchement sa ville et sa cathédrale. L’événement eut lieu dans la nuit la plus noire de l’année, celle du solstice d’hiver, le 12-13 décembre  de l’an 1602.

Un livre-album, splendidement illustré de gravures, de cartes et de portraits, paru cette année aux éditions genevoises Labor et Fides, signé par deux historiens de renom, Olivier Fatio et Béatrice Nicolier, intitulé : Comprendre l’Escalade. Essai de géopolitique genevoise, resitue ce qui ne pourrait être qu’un fait divers local dans le cadre de l’histoire politique et religieuse de l’Europe du XVIème siècle. Un regard lucide, libéré du mythe et de la légende dont se complaisent habituellement les orateurs politiques et les prédicateurs religieux. Un véritable régal que de lire cette analyse si probe et si intelligente.

Quoi qu’en pensaient les calvinistes alors au pouvoir à Genève, ce n’est pas d’abord la Providence qui les a délivrés des prétentions d’un jeune duc belliqueux et vindicatif, mais d’autres puissances européennes, qu’elles fussent catholiques ou réformées, qui ne voyaient pas d’un bon œil que Genève tombât dans l’escarcelle savoyarde. Même le pape n’y était pas favorable. Les avantages commerciaux ou militaires, les alliances conclues entre Etats ont prévalu sur la solidarité confessionnelle. Et Genève en a tiré parti. Tout le monde autour d’elle, sauf le duc Charles Emmanuel, avait intérêt à ce que sa liberté et son autonomie fussent garanties.

Histoire totalement ignorée des fêtards d’aujourd’hui. Tout comme la Noël si proche, l’Escalade sert d’exutoire à la liesse populaire. Et peut importe d’en connaître la raison.

© Labor er Fides

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