Ars praedicandi

Je reviens à la charge sur ce blog pour plaider l’avènement en Romandie catholique (?) d’« écoles de prédication ». Que l’on me comprenne ! Je ne fais pas ici l’apologie des cours d’homilétique à l’usage de clercs destinés à la prêtrise. Mais à une formation plus large qui pourrait intéresser les diacres permanents ainsi que tout laïc, homme ou femme, qui a reçu mandat de prêcher lors de funérailles, d’assemblées dominicales en l’absence de prêtres (ADAP) ou même lors de certaines eucharisties. Plus généralement, ces écoles pourraient être ouvertes à tout chrétien et chrétienne appelé ou interpelé un jour à faire connaître la bonne nouvelle de Jésus-Christ.

Je sais que ce genre de formation existe chez nos voisins français. A Paris, pour ne mentionner que cette ville, une école de prédication a vu le jour et s’est développée sous la conduite du frère dominicain Eric de Clermont-Tonnerre et de son équipe. N’aurions-nous rien à apprendre de leur expérience ?

Bien sûr, ce plaidoyer est celui d’un Prêcheur qui a appris par Dominique, le fondateur de son Ordre, que prêcher l’évangile n’est pas l’apanage d’une caste cléricale, mais un charisme dévolu à tout chrétien digne de ce nom. J’ai aussi appris de Dominique que la prédication n’est pas confinée dans « un lieu sacré », ni indissolublement liée à une eucharistie. L’annonce de Jésus-Christ se fait « en tout chemin et en tout lieu », selon les paroles d’une fameuse chanson à la gloire du Fondateur des Prêcheurs qui fut en son temps un tube universel.

Les Frères Prêcheurs se souviennent aussi que la première fondation dominicaine (1206), désignée sous le vocable signifiant de « Sainte Prédication de Prouilhe », abritait sous le même toit un conglomérat de moniales et de frères affectés, chacun à sa manière, au ministère de la prédication.

La liturgie dominicaine atteste aussi que le modèle des Prêcheurs est précisément une femme, Marie de Magdala, qui au matin de Pâques annonce aux apôtres apeurés que Jésus est vivant.

 Une devise ancienne des Prêcheurs leur donne mission de transmettre à d’autres ce qu’ils ont eux-mêmes d’abord contemplé. Que contemplent-ils, sinon les paroles contenues dans les Ecritures ? Je me suis laissé dire que Dominique n’avait comme bourse à la ceinture que l’évangile de Matthieu qu’il ne cessait de lire et d’approfondir. La méditation et l’étude quotidiennes de l’Ecriture sont donc la première étape indispensable de la formation du prêcheur. Mais encore faut-il qu’il sache communiquer ce qu’il a lui-même a compris.

Et c’est là que le bât blesse. Pour enseigner John, il faut connaître John. Et pour connaître John, il faut vivre avec John. Que de prédicateurs modernes se moquent de ce principe, lui aussi essentiel à leur fonction. Ils préfèrent pérorer hors sol sur ce qu’ils savent plutôt que se soucier d’être compris par ceux qui les écoutent.

Qui que nous soyons, évêques ou prêtres, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, tous missionnaires de l’Evangile, commençons par être proches de ceux que nous voulons - trop vite - « évangéliser ». Le pape François aime rappeler que le berger porte l’odeur de ses brebis. A force de cohabiter avec son bétail les vêtements du fermier finissent par s’imprégner des senteurs de l’étable. Le succès ou l’échec de toute prédication se mesurent à l’aune de la qualité de cette fréquentation.

Lapalissades que tout cela ? Comme je souhaiterais que cela soit ! Mais après plus de soixante ans de pratique du métier de prêcher, il me semble au contraire que mes propos n’ont rien perdu de leur pertinence et de leur actualité. .

NB : Pour aller plus loin…

L’auteur de ce billet a rédigé un fascicule intitulé « Prêcher ». Il est disposé à l’offrir à ceux et celles qui lui en feraient la demande. Il suffit qu’ils lui communiquent leur adresse postale en utilisant son adresse email.