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Asie. Choc des cultures et des religions

  • Fr. Guy

Libres propos autour de la visite du pape François en Thaïlande et au Japon.

Tout le monde répète à l’envie que l’avenir de notre planète se joue sur le continent asiatique. Non seulement en raison de son poids démographique, mais aussi de sa puissance économique et industrielle. Sans parler de la richesse de ses traditions culturelles et religieuses, enfouies dans un terreau très profond.

Depuis des siècles le christianisme tente de pénétrer ce monde à la fois fascinant et mystérieux. Il n’a fait que l’effleurer, sans vraiment le convertir. Si j’excepte le Vietnam où la minorité chrétienne affirme une certaine consistance et les Iles Philippines colonisées et catholicisées  sur le modèle latino-américain, partout ailleurs, la présence chrétienne est réduite à des pourcentages infinitésimaux.

Et ce n’est pas les missionnaires, leur ardeur, leur talent et leur générosité qui ont fait défaut. Pensons aux Nestoriens qui tentèrent d’évangéliser le Nord de la Chine ou le Sud de l’Inde, avant d’être relevés par les de Nobili, les Ricci, les Missions Etrangères de Paris, les Lazaristes, les Jésuites, les Dominicains et même, au siècle dernier sur les hauts plateaux tibétains, par les Chanoines du Grand-Saint-Bernard, tandis que leurs cousins de l’Abbaye de Saint-Maurice « missionnaient » sur le versant méridional de l’Himalaya.  Autant dire que la mayonnaise n’a pas encore pris et qu’à vue humaine tant d’efforts déployés, tant de vies sacrifiées sont demeurés sans résultat.

On connaît la résistance cruelle qu’opposèrent les Japonais du 16ème siècle à la pénétration des idées chrétiennes sur leurs îles. Le film récent Silence de Scorsese, basé sur des récits authentiques, nous en a donné un reflet difficilement supportable.

 

La persécution a pratiquement éteint pendant trois siècles la flamme chrétienne au Japon. Elle poindra à nouveau à notre époque, mais bien faiblement. Le nombre des catholiques dans ce pays qui compte de nos jours quelques 130 millions d’habitants ne dépassa jamais le demi million et, plus grave, cette infime minorité a tendance à décroître. Non que les Japonais contemporains soient hostiles à l’évangile. Ils l’estiment comme une religion étrangère, tout en se refusant de l’adopter.

Dans d’autres pays du même continent, la résistance au christianisme prend de nos jours des formes moins courtoises qu’au Japon. L’Inde et maintenant le Sri Lanka, sans ne rien dire du Myanmar et même de la Chine sont sous la coupe de régimes politiques farouchement jaloux de leur identité nationale et religieuse. Hindoue dans un cas, bouddhiste dans l’autre. Discriminations, attentats sanglants et conflits armés sont en voie de devenir la règle. Les minorités chrétiennes ne sont pas les seules à être victimes de cette violence. Les musulmans payent pour leur part un lourd tribut. Les catholiques, pour ne parler que d’eux, font désormais profil bas et disparaissent dans le décor pour ne pas attirer sur eux l’attention de leurs compatriotes non chrétiens. Récemment, l’évêque de Nagasaki déplorait ce reflux dans l’anonymat et souhaitait revitaliser sa petite Eglise diocésaine en important les méthodes des « communautés nouvelles » qui un temps avaient enflammé le catholicisme européen. Est-ce bien la solution ? Une fois de plus le remède est d’origine étrangère.

Il est donc temps que les catholiques asiatiques, désormais sans missionnaires occidentaux, pensent et disent leur foi dans le contexte culturel qui est le leur. Que leur évangile soit donc « inculturé », mais non inféodé. Qu’il se garde du syncrétisme, mais ne reproduise pas un modèle calqué sur l’étranger.

La quadrature du cercle, alors ? Non, si on donne à l’Esprit toute sa mesure et sa liberté. Entre un dirigisme romain centralisé et des Eglises nationales repliées sur elles-mêmes, il y a place pour de multiples passerelles qui sauvegardent à la fois l’universalité de l’Eglise et ses particularités locales. Le pape François parle à ce sujet de synodalité. Il faut du courage et de l’audace pour s’y essayer. Peut-être aussi une dose de transgression pour sortir de l’impasse et de la fixité. Une fois de plus, Jésus de Nazareth pourrait montrer le chemin. 

 

Le jésuite Matteo Ricci habillé en mandarin à la cour de l’empereur de Chine (Wikipédia)

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