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Au secours d’une Eglise en perte de vitesse

  • Fr. Guy

Le Journal d’un prêtre

Geneviève de Simone Cornet : Journal d’incertitude. Des mots de longue patience, Editions Saint-Augustin, Saint-Maurice 2023, 124 pages.

Lire et écrire est la passion de Geneviève, journaliste professionnelle. Je dirai même, en exagérant à peine, sa planche de salut. Sa dernière œuvre n’est pas au banc d’essai. Geneviève a déjà fait paraître en 2018 aux Editions Salvator un roman qui tient aussi du récit, intitulé ; « Mais il y a la lumière ». Une grande finesse d’écriture mise au service d’une analyse délicate et ressentie d’une amitié entre deux êtres.

Le livre présenté aujourd’hui appartient à une autre veine. Geneviève, dans un prologue, rappelle l’histoire de sa nouvelle œuvre. Belge d’origine, notre écrivaine ravive le souvenir d’un oncle, Pierre Cornet, décédé en 1940 à l’âge de vingt ans et qu’elle n’a donc jamais rencontré. La découverte inopinée de son image mortuaire – reproduite dans son livre – révèle à Geneviève non seulement les traits physiques de cet oncle méconnu, mais surtout son désir d’accéder à la prêtrise. Il s’y préparait à Liège à l’Institut Jean Berchmans.

Cet événement fortuit inspire Geneviève. Elle imagine ce qu’aurait pu contenir le Journal de Pierre Cornet s’il était devenu prêtre à notre époque. L’hypothèse n’a rien d’absurde puisque Geneviève prête sa plume à son oncle défunt. Le Journal de l’oncle est en fait celui de la nièce.

Cet artifice littéraire ne surprend pas les proches de l’auteure. Geneviève ne fait pas que rédiger la page « spiritualité» du périodique romand « L’Echo Magazine », elle est une chrétienne engagée, préoccupée par la foi et l’avenir de son Eglise. Mieux encore, le ministère de la prêtrise est un domaine qui lui tient à cœur et même la passionne. Un décès prématuré a privé son oncle de son sacerdoce. La nièce voudrait-elle renouer ce fil que la mort a coupé ?

Ce Journal est donc l’écho de la vie d’une Eglise dans le cœur et la pensée de Geneviève. Une Eglise située à notre époque. Les dates du Journal sont précises : octobre-novembre 2020. Le Covid ajoute une incertitude supplémentaire à ce prêtre à qui l’auteure prête les siennes. Geneviève l’imagine approchant de la soixantaine ou même l’ayant dépassée. Un prêtre « conciliaire » qui fait face aux turbulences d’une Eglise qui, en fait, est celle de sa nièce. Qu’en dit-elle précisément ?

Contrairement à Christine Pedrotti, autre journaliste catholique qui traite de thèmes analogues, Geneviève ne situe pas son héros dans une série de faits et gestes dont la relation détaillée contient par elle-même la leçon. Notre auteure préfère l’exposé thématique de sujets fondés sur une expérience qui est suggérée plutôt que littérairement développée. Ce qui pourrait conférer à cet écrit une note d’austérité et de sérieux qui exige de son lecteur un surcroît d’attention. Notons deux exemples.

A deux reprises, oncle Pierre reçoit une femme. La première dans sa sacristie est venue lui demander une bénédiction appropriée pour la réussite de je ne sais plus quels examens. Ce qui nous vaut un développement sur les rites superstitieux qui pour beaucoup servent de religion, à tel point que le clergé est tenté de s’y méprendre, ou pire, de s’y complaire. La seconde dame est reçue aux petits soins dans son presbytère, quoiqu’en tout bien tout honneur. L’oncle-abbé a besoin de cette présence féminine pour s’humaniser.

Une autre rencontre nous vaut de la part de Geneviève des considérations encore plus positives. C’est celle que fait son oncle chaque matin au lever du jour ou encore dans la nuit face à une poignée de chrétiens et chrétiennes, venus entendre sa messe avant de rejoindre qui son bureau ou son atelier ou, le plus souvent, qui sa famille, son ménage ou sa solitude. Notre auteure reconnaît dans ces fidèles anonymes l’Eglise, par-delà ses scandales, nourrie de la présence du Christ, sans lequel et loin duquel elle cesserait de vivre. De très belles pages qui s’enracinent, me semble-t-il, dans une expérience personnelle dont je dois respecter la discrétion. Une expérience située au cœur même de l’Eglise, loin des débats, des controverses et des conflits qui entourent sa réforme et commandent sa réhabilitation.

Pourtant, plusieurs pages de ce livre sont consacrées à ces turbulences de surface. On ne s’étonnera pas d’y voir dénoncé et condamné le cléricalisme, universellement décrié de nos jours quoique pour des motifs différenciés. Connaissant les opinions de l’auteure sur ce sujet, je m’attendais à un réquisitoire rigoureux en faveur de l’accès des femmes catholiques au sacerdoce presbytéral. Soutenue par plusieurs théologiennes, Geneviève développe des arguments pertinents pour soutenir cette cause.

Enfin, cette écrivaine est une magicienne qui joue avec les mots et même avec le silence. Elle aime se rendre à Landévennec en Bretagne rejoindre son maître et ami, le moine-poète Gilles Baudry. Elle lui fait l’honneur de le citer dans plusieurs passages de son livre. De même l'inoubliable Jean Sulivan. Ce recours à la poésie et à la littérature spirituelles donne à ce livre une saveur particulière qui jette un baume de douceur sur l’amertume de l’auteure quand elle évoque les forces de repli qui menacent l’Eglise qu’elle aime.

© Editions St-Augustin

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