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Canisius le voyageur

  • Fr. Guy

De reliquaire en reliquaire

Aujourd’hui, en Helvétie fête de saint Pierre Canisius (1521-1597). De plus, on commémore cette année le cinq-centième anniversaire de la naissance de ce « docteur de l’Eglise ». Un tel événement ne passe pas inaperçu.

Tout d’abord, une nouvelle biographie en son honneur de la plume de l’un de ses compagnons jésuites, Pierre Emonet, qui s’est déjà illustré en écrivant la vie d’Ignace de Loyola en 2013, puis celle de Pierre Favre en 2O17 et, finalement, en 2020, toujours aux Editions Lessius, son « Pierre Canisius l’infatigable réformateur de l’Eglise d’Allemagne ». Un ouvrage de 174 pages, dans « La petite bibliothèque jésuite ».

Soit dit en passant, Pierre Emonet fut aussi coresponsable de l’édition : « Ignace de Loyola. Une vie en vingt tableaux. Collège Saint-Michel, Fribourg Suisse », un lire artistiquement et richement documenté, paru en 2014, consacré à la présentation des peintures de la chapelle Saint-Ignace, sise au premier étage du Collège Saint-Michel.

Mais que venait donc faire à Fribourg ce « jésuite allemand » vers la fin de l’an 1580 ? Une ville dont la bourgeoisie devenue germanophone depuis son entrée dans la Confédération était restée fidèle à l’ancienne foi, contrairement à Berne, sa proche et puissante voisine. Ce fils spirituel d’Ignace de Loyola, natif de Nimègue, était bien décidé à soutenir cet îlot catholique, comme il l’avait déjà fait en Allemagne, face à un luthéranisme alors conquérant. Sa méthode était simple : créer une élite intellectuelle catholique capable non seulement de disputer, mais encore discuter d’égal à égal avec des interlocuteurs protestants. En Suisse l’urgence était manifeste. La plupart des villes et des centres culturels de quelque importance avaient passé à la Réforme. Avec l’aide des autorités locales et celles de la Compagnie, Pierre Canisius passa donc les dernières années de sa vie à fonder en 1582 et consolider ensuite « son » Collège Saint-Michel, élevé à Fribourg sur la colline du Beltzé. Mais le bon peuple de la ville retint surtout le souvenir du prédicateur assidu et du conseiller averti. Si bien qu’il obtint à sa mort en 1597 qu’il fut inhumé dans la collégiale St-Nicolas où il avait abondamment prêché. Mais là ne s’arrêtent pas les pérégrinations « posthumes » de ce marcheur infatigable.

En 1625, ses compagnons jésuites qui venaient de construire sur la parcelle du Collège une splendide église baroque obtinrent que les restes du fondateur y fussent transférés. Ils y demeureront quasiment quatre siècles, reposant dans un reliquaire disposé sous le maître autel. Et voici qu’en avril 2021, notre saint repend son bâton de pèlerin pour trouver refuge avec deux Nicolas, celui de Myre et celui de Flüe, dans la chapelle du Saint-Sépulcre de la cathédrale.

Je me permets d’exprimer mon « ressenti » face à cette translation. Je regrette le départ de Canisius du Collège que j’ai fréquenté dans mes jeunes années et de cette église où je fus ordonné au ministère sacerdotal. Mais plus que ce brin de nostalgie, ce sont les motifs invoqués pour justifier ce transfert qui me font problème. Le Collège n’a point quitté sa colline et les jeunes continuent d’y affluer. Mais son église, souvent fermée, n’est plus fréquentée ou sert à d’autres usages que liturgiques. Voilà qui devrait nous faire réfléchir. Je trouve touchant toutefois que le recteur laïc de Saint-Michel ait obtenu que le crâne de Canisius ne quitte pas son ancien reliquaire. Le collège n’a donc pas perdu sa tête, ni celle de son fondateur. Cela suffira-t-il pour le ramener à la raison ?

Ma seconde remarque pourrait étonner. La chapelle du Sépulcre de la cathédrale de Fribourg est une pièce architecturale rarissime du 15ème siècle. Un thème répandu d’abord en Flandres puis dans le nord de l’Europe occidentale. Cette figuration qui répond à des canons précis est un témoignage de dévotion à la passion et à la résurrection du Christ. Elle n’est donc pas un hypogée où s’entassent des reliques, fussent-elles toutes estimables et vénérables. L’espace fait aussi partie de cette œuvre d’art religieux. Il doit donc être respecté. S’il en doute encore, le lecteur pourra se référer au livre « Mise au tombeau » de Jacqueline Kelen dont une recension a paru récemment sur ce blog.

Saint Pierre Canisius (détail), Geheugen van Nederland, 1699. Wikipédia.

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