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Cerise et auréole

  • Fr. Guy

Libres propos sur le sacerdoce

Le Covid a brisé mes espérances de célébrer avec mes frères, mes amies et amis, une messe d’action de grâces à l’occasion de mes noces de diamant sacerdotales.

Mais un « prêcheur », même cloisonné, demeure « prêcheur ». Voici donc – en décalé – trois propos que j’aurais aimé développer (en chaire ?) si la pandémie m’avait épargné ce dernier 22 juillet.

La cerise et le gâteau

Mon Père-Maître, le frère dominicain suisse Heinrich Stirnimann (1920-2005), qui nous préparait à l’ordination sacerdotale, nous disait sans rire que pour un « prêcheur » la prêtrise n’était que la cerise sur le gâteau.

Après soixante ans de prédication, je me rends compte que le gâteau tout entier a le goût du clafoutis aux cerises. Comment prêcher la victoire du Ressuscité sans commémorer sa Pâque ? La messe demeure pour moi le lieu privilégié où j’annonce la mort et la résurrection du Christ… et la mienne aussi.

Que je ne sois jamais séparé de toi !

L’ordination sacerdotale me fut conférée au matin du 22 juillet 1962 dans l’église du Collège St-Michel de Fribourg par Mgr François Charrière (1893 - 1976) évêque du diocèse. Cette liturgie ne prévoyait aucune prédication, mais une succession de rites assurément émouvants pour celui qui en était l’objet et plus encore pour ceux qui assistaient à la scène. Pendant des années, j’ai conservé comme une précieuse relique le ruban blanc qui attachaient mes mains dont les paumes avaient été enduites de saint-chrême.

Mais, ce qui m’est resté et ne m’a plus quitté fut ce verset évangélique : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis. ». Chantés à la fin de la cérémonie, ces mots ont résonné en moi. Ils nouaient entre Jésus et moi une relation d’amitié et – oserais-je le dire ? – de complicité. Si ma fidélité s’est étiolée et effritée, la sienne s’est avérée inoxydable.

Depuis soixante ans, une prière silencieuse me vient aux lèvres avant que je me reconnaisse indigne de le recevoir : « Seigneur, que je ne sois jamais séparé de toi ! ».

Les jeunes mariés devraient comprendre ce langage. Bien sûr, il n’est pas nécessaire d’être prêtre pour aimer le Christ au point de redouter de le perdre. Mais, quand on l’est, alors…

De la géométrie des auréoles

Une chère amie vient de me faire connaître ce dicton : « Chacun vient au monde avec une auréole carrée. Il a besoin de toute une vie pour l’arrondir ».

Si je comprends bien, il s’agit d’inverser l’impossible quadrature du cercle. Non pas tenter de faire d’un cercle un carré, mais d’un carré un cercle. Ce que les mathématiques ou la géométrie déclare impossible, deviendrait-il réalisable dans l’ordre de la sainteté dont les auréoles sont le symbole ? Selon le dicton précité, notre auréole ou notre sainteté est au départ rugueuse, anguleuse, pleine d’aspérités. Toute une vie est nécessaire pour la polir, l’assouplir, l’arrondir. Jusqu’à devenir semblable à celle qui entoure la tête des anges peints par notre frère L’Angelico.

J’imagine qu’il en va de même de mon sacerdoce. J’ai feuilleté récemment un album de vieilles photos de mon ordination. Elles sommeillaient depuis soixante ans sur une étagère. Je me découvre le visage crispé, accablé, « carré » pour tout dire, comme si j’avais à porter le monde et toutes ses misères. Je ne dirai pas que mon auréole d’aujourd’hui est plus avenante. Elle est même ébréchée par endroit, un peu fripée et a perdu sa dorure originelle. Mais j’ai l’impression – une illusion ? – qu’elle s’est tout de même un tantinet arrondie au fil des ans. Encore du chemin à faire vers la rondeur parfaite. Que Dieu m’aide à le parcourir. Et vous aussi !

Nature morte aux cerises et aux pêches (vers 1885-1887) de Paul Cézanne. Wikimédia.

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