Chrétiens d’Orient et d’Occident

Suite à la publication sur ce blog de ma recension du livre « Sauver les livres et les hommes » du frère Michaeel Najeeb, j’ai enregistré la remarque d’une personne bien au courant de la situation sociale et religieuse qui prévaut en Irak.

Avec d’autres, il reproche à Najeeb de rendre l’islam responsable des horreurs du Djihad. Un islam « intrinsèquement pervers » qui porterait en lui les germes des atrocités commises par Daech.

Sans faire au frère Najeeb à un procès d’intentions, je me permets simplement d’élargir le débat.

1. Il est difficile et même impossible aux chrétiens occidentaux d’imaginer les souffrances physiques et les humiliations morales subies par leurs frères qui vivent depuis des siècles sous le joug d’un pouvoir islamique. Ces chrétiens ont dû payer au prix fort leur droit de vivre sur la terre de leurs ancêtres.

C’est le reproche que fait le moine syrien Jacques Mourad au jésuite italien Paolo Dall’Oglio. Ou encore le jésuite égyptien Henri Boulad qui déplore la naïveté des occidentaux épris de dialogue islamo-chrétien. Pour ces chrétiens d’Orient, le ver est dans le fruit. L’expérience du passé les rend méfiants face à toute cohabitation islamo-chrétienne qui d’un jour à l’autre peut dégénérer en pogrom dont ils seraient – comme toujours – les victimes.

2. Qu’en pensent les musulmans ? Ceux qu’il m’arrive de fréquenter en Europe protestent en me citant des versets du Coran affirmant que l’islam est tolérant et respectueux de la diversité religieuse. Une déclaration qui ne concorde pas avec d’autres versets du même Coran. Ni surtout avec ce que l’histoire nous apprend de l’expansion de l’islam primitif.

Ces mêmes musulmans se disent outrées par les procédés de Daech qui selon eux déshonorent l’islam authentique. Mais les Djihadistes leur rétorquent qu’ils sont les seuls à être fidèles à la lettre du Coran et donc ne se privent pas de se réclamer d’Allah chaque fois qu’ils coupent une main ou une tête.

3. Qui a tort ? Qui a raison ? J’ai déjà abordé sur ce blog cette question quand j’ai présenté le livre « L’islam conquérant » de Shafique Keshaviee, théologien protestant d’origine pakistanaise converti de l’islam. Déjà mis à l’écart de son enseignement, ses anciens collègues lui reprochent maintenant sa vision étriquée d’un islam intolérant.

Deux points de vue opposés sont à l’origine de ce débat. Ils s’expliquent par le fossé historique et culturel qui sépare les chrétiens d’Orient et ceux d’Occident.

4. Je connais aussi la riposte que les musulmans « éclairés » adressent aux chrétiens : « Vos Ecritures et surtout votre histoire plaident en faveur de la violence et de l’intolérance. Taisez-vous donc et balayez devant votre porte ! ».

Cette réplique, consolation de damnés, ne fait pas avancer le débat. Je ne conteste pas que depuis le règne de Théodose et pendant des siècles l’Eglise s’est appuyée sur le pouvoir civil pour assurer son expansion et faire disparaître ses opposants. Il a fallu attendre l’ère moderne pour reconnaître que ce comportement était une trahison de l’Evangile. Le Christ a préféré mourir victime de la violence plutôt que d’y recourir pour échapper à ses adversaires. Il n’a condamné personne. Même pas ceux qui l’ont mis en croix. Je ne suis pas certain que le Coran ait été rédigé dans cette perspective.

D’où l’aridité, l’exigence et la patience d’un vrai dialogue islamo-chrétien qui ne masque aucune difficulté et ne se paye pas de mots. C’est aussi le prix de la vérité.