De François de Genève à François de Rome

François, évêque de Rome : Tout est à l’amour. Totum amoris est. Lettre apostolique pour le 4ème centenaire de la mort de saint François de Sales. Présentation de Mgr Bernard Podvin, Edition Salvator, Paris 2022, 61 pages.

François de Sales, exilé à Annecy, portait le titre de « prince-évêque » de Genève, une cité qu’il ne fit que traverser « incognito ». C’est en 1602, l’année même de l’Escalade, que François de Sales, communément appelé « Monsieur de Genève », succéda à Mgr de Granier à la tête d’un diocèse démembré par la Réforme protestante et calviniste. En particulier, la cité de Genève elle-même, mais encore le Chablais voisin et un district du pays de Gex.

Pourtant, c’est à Lyon, le 28 décembre 1622, voici quatre cents ans. que Monsieur de Genève trouva la mort, hôte d’une communauté de la Visitation, congrégation qu’il avait fondée avec Jeanne de Chantal, une de ses « dirigées ». L’évêque de Rome, son frère dans l’épiscopat, a voulu marquer par une « Lettre Apostolique » cet anniversaire. Ce document porte la date du 28 décembre 2022 et il est émis de Saint-Jean-du-Latran, siège de l’évêque de Rome.

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt ces quelques pages introduites par Mgr Podvin, excellent connaisseur de la vie et des œuvres de François de Sales.

L’activité de cet évêque dépassa largement les limites de sa terre savoyarde. Souvent invité à Paris, ville où il fit ses premières études, François traça son propre chemin dans ce 17^ème siècle commençant, à peine sorti des guerres politico-confessionnelles. Une époque marquée aussi par un foisonnement spirituel exceptionnel, desservi par une cohorte de maîtres dont certains furent des saints.

La Lettre de François de Rome décrit ce que fut ce cheminement, faisant découvrir au passage sa modernité et même sa contemporanéité.

Tout débute par une crise de désespoir dont sortit le jeune François décidé à croire à l’amour de Dieu « quoi qu’il arrive ». Entendons, même si son salut était compromis ou mal assuré. La suprématie de cet amour allait être pour lui le seul critère garantissant l’authenticité de la « dévotion » et la règle qui l’emporte sur toute autre prescription de nature morale ou religieuse. Ses deux œuvres fondamentales : « Introduction à la vie dévote » et «Traité de l’Amour de Dieu », ainsi que ses innombrables lettres ne font qu’expliciter cette intuition spirituelle.

Ce qui l’amène à « démocratiser » la dévotion, se refusant à la réserver aux âmes délicates et d’exception, ou encore à celles qui se nourrissent de visions ou d’expériences mystiques similaires. François veut mettre ce qu’il nomme dévotion à la portée de tous, à commencer par sa « bouquetière » et toute autre personne engagée dans les affaires du monde et de la vie courante.

« Tout est à l’amour », telle est la devise de François. Elle l’accompagne partout et il la recommande à tous. Que ce soit dans les échoppes du marché d’Annecy, dans un salon parisien, ou sous les cloîtres des Visitandines. « Honnête homme », dans le sens classique de ce terme,  François sait aussi que la réalisation de ce programme ne va pas sans difficulté. Mais il le propose avec tellement d’humour, de simplicité, de bon sens et de justesse que l’on ne peut qu’y souscrire.

Il sait aussi par expérience personnelle que ce chemin est long et pas toujours facile. Il regrette de ne l’avoir pas toujours suivi avec patience quand il se remémore sa mission en Chablais qui visait à reconvertir au catholicisme un territoire conquis par la Genève protestante et qu’un traité avait restitué au catholique duc de Savoie.

En résumé, de François de Genève et de François de Rome, voici un très riche opuscule qui invite à progresser en amour, sans violence mais aussi avec exigence.