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De Nazareth à Bethlehem

  • Fr. Guy

Le chemin singulier d’un couple amoureux

Erri De Luca : Au nom de la mère, Gallimard 2006, 97 pages.

Je viens de découvrir un bijou enfoui dans l’écrin de notre bibliothèque conventuelle. C’est ma sœur qui me l’a signalé et se l’est acquis récemment dans je ne sais quelle brocante. Cette perle gisait là, à mon insu, dans le sous-sol de mon couvent.

Un tout petit livre de 97 pages, format poche, intitulé « Au nom de la mère », traduction de l’original italien « In nombre della madre », paru à Milan en 2006. La version française a paru la même année à Paris chez Gallimard. L’auteur est l’écrivain atypique italien Erri De Luca dont le premier roman date des années 80. Sa production littéraire se poursuit de nos jours.

Atypique, ai-je écrit ? Mais l’auteur est aussi un homme engagé dans nos combats de société. Pétri de culture juive, Erri De Luca est aussi intéressé par les évangiles. Si ce n’est par leur portée théologique, du moins par leur symbolisme, leur humanité et leur qualité littéraire. Il l’affirme explicitement dans la préface de l’ouvrage où d’un bout à l’autre de ses pages l’auteur donne la parole à Miriâm, l’épouse de Iosef et mère de Ieshua. « Ce que nous savons sur Miriâm/Marie vient des pages de Matthieu et de Luc. On agrandit ici un détail qu’ils ont évoqué : le démarrage de la nativité dans le corps féminin, le plus parfait mystère naturel » (p.11). C’est dans le corps de Miriâm que cette prodigieuse histoire a commencé. « Au nom du père inaugure le signe de la croix. Au nom de la mère s’inaugure la vie » (p.19).

Miriâm est seule à laisser parler son cœur et ses pensées. Mais deux êtres chers ne la quittent pas. Tout d’abord son Iosef qui veille sur elle avec un amour tendre et délicat. Depuis le jour où elle s’est trouvée enceinte suite aux étranges paroles d’un visiteur mystérieux, jusqu’à la nuit de sa délivrance dans une étable de Bethléem, seule mais réchauffée par le souffle de deux animaux.

Son Iosef n’a cessé de lui faire confiance malgré les moqueries, les menaces et les commérages.

Et puis, il y a Ieshua, cet enfant sorti de son sein. Elle ne voudrait  l’avoir que pour elle et le préserver d’un destin qui l’exposerait à la violence des humains. Le dialogue intérieur de Miriâm s’étend du midi de l’Annonciation jusqu’à la nuit de Noël.

Je présume que toute femme au cours d’une grossesse et de l’accouchement qui la suit devrait se retrouver tant soit peu dans les mots et pensées de Miriâm. De là mon étonnement qu’un auteur masculin ait pu décrire ce chemin que n’empruntent que les femmes avec tant de justesse et d’émotion. Pour moi, ce dernier mystère s’ajoute à celui de l’incarnation. Plutôt que tenter de l’élucider je me contente de l’illustrer par quelques citations puisées dans ce petit chef d’œuvre.

J’écris ces lignes la veille du 19 mars, jour où mon Eglise fête Iosef. Au moment où la guerre en Ukraine prend des proportions d’inhumanité oubliées par notre histoire collective et en ces temps où les violences dont les femmes sont victimes se multiplient à un rythme effréné. Iosef, protecteur de la vie qui germe et du sillon qui la porte, vient bien à propos. Il reprend son service à notre époque.

 

Glanures…

Pleine de grâce

« La grâce c’est la force subversive d’affronter le monde seul, sans effort, de le défier en duel tout entier sans même se décoiffer. C’est un talent de prophète. C’est un don et toi tu l’as reçu. Tu es pleine de grâce. »

 

La Parole faite chair

« Je n’ai rien de spécial, je suis ton récipient. C’est bon, tu leur ressembleras, tu auras la morve au nez et tu éternueras. Pourtant, tu as été mis en moi par un souffle de paroles et non pas une semence. Tu seras plein de vent. »

 

L’écrivain exégète

« J’aime l’usage de nos hommes qui pêchent un verset ancien pour s’expliquer au présent. Ils nouent le jour unique au tapis du temps. »

 

Bénédiction de l’aide de l’aveugle

« Toi qui aides quelqu’un qui est vu par les autres mais qui ne voit pas, puisses-tu recevoir l’aide de celui qui voit tout et qui n’est vu de personne ».

 

Pour l’amour d’une femme

« Un homme (Iosef) qui change d’avis pour faire plaisir à une femme lui donne la plus belle preuve d’amour ».

 

Prière (trop humaine) d’une mère

« Nous pensons à lui (Ieshua) trouver une épouse qui me mettra sur les genoux une équipe de fils. Seigneur du monde, bienheureux, fais qu’il ait des défauts, qu’il ne s’occupe pas de politique, qu’il s’entende avec les Romains et avec tous ceux qui viendraient faire les maîtres chez nous, sur notre terre. (…) Fais seulement en sorte  que cet enfant ne soit personne dans ton histoire, fais qu’il soit un homme simple, content de l’être et qu’il ne se fâche qu’avec les mouches ».

 

Le Notre Père des bergers

« Notre Père qui es aux cieux,
regarde ton troupeau, qu’il reste entier et tien.
Que ta propriété soit sauve
sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui les pâturages de demain,
ramène l’égarée et nous te l’offrirons.
Et ne permets pas les guets apens,
mais sauve-nous des loups, et ainsi soit-il. »

Le mariage de Marie et Joseph (détail) par un peintre péruvien inconnu, fin du XVIIe siècle. Brooklyn Museum, Carll H. de Silver Fund, 41.1251 (photo : Brooklyn Museum, 41.1251.jpg)

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