Dominicains suisses et le Rwanda

Le frère Benjamin Ngororabanga, prieur du couvent de Kigali au Rwanda, a fait escale à Genève au retour d’Ottawa où il a pris part  au chapitre provincial de cette province d’Amérique du Nord. En effet, les couvents du Rwanda et du Burundi constituent jusqu’à présent un Vicariat de la province canadienne. L’histoire explique cette étrange alliance. Les dominicains canadiens implantèrent l’Ordre des Prêcheurs au Rwanda puis au Burundi au cours des années soixante du siècle dernier. Ces deux territoires s’étaient affranchis en 1962 de l’administration belge qui exerçait sur eux un un mandat politique confié par la SDN puis par l’ONU à la suite de la défaite du Reich allemand en 1918. Le Congrès de Versailles l’avait alors dépouillé de ses colonies dont le Rwanda et le Burundi qui jusque là faisaient partie de l’empire colonial allemand.

A la même époque, une mission dominicaine suisse conduite par le regretté frère Dominique Louis était à l’œuvre à Kadutu, banlieue populaire de la ville de Bukavu, chef-lieu de la Province du Kivu dans le Congo voisin. Les troubles qui accompagnèrent et suivirent la déclaration d’indépendance du Congo belge rendirent impossible le développement et même la survie de cette mission dominicaine helvétique. Une poignée de rescapés rejoignirent alors les frères  canadiens qui entreprenaient de mettre sur pied l’UNR (Université Nationale du Rwanda) à Butare, dans le sud du pays.

La collaboration fut intense entre dominicains suisses et canadiens  présents au Rwanda et au Burundi. Les suisses y prirent une part active. Le frère Didier Boillat, aujourd’hui directeur de la Mission Catholique de Langue Française (MCLF) de Zürich, fut le dernier dominicain suisse à résider plusieurs années dans ce Vicariat.

L’histoire de ce Vicariat est suffisamment connue pour qu’il soit encore nécessaire d’y revenir dans ce blog. On peut se référer aux diverses publications qui en font l’objet. Mais il vaut la peine de mentionner que de nos jours le Vicariat dominicain du Rwanda et du Burundi est exclusivement peuplé de frères natifs de ces deux pays, qu’il abrite un noviciat ouvert à d’autres entités dominicaines africaines, qu’il abonde de projets intéressants et songe sérieusement à devenir une Vice-Province de l’Ordre.

Quant au frère Benjamin, la quarantaine bien entamée, il est une des forces vives de cette nouvelle génération dominicaine africaine. Rwandais de naissance et de nationalité, il fut prieur du couvent de Bujumbura au Burundi, avant d’exercer pendant six ans le même service au couvent de Kigali, la capitale de son pays. Au terme de cette charge, il envisage une formation particulière qui le rendrait mieux à l’écoute de ceux et celles que le génocide ou d’autres malheurs de la vie ont perturbés. Un appel qui résonne en lui depuis longtemps.

Mentionnons aussi que le frère Benjamin appartient à un pays trilingue : le kinyarwanda, sa langue maternelle, le français qui demeure celle des élites scolarisées et urbanisées et l’anglais devenu langue officielle depuis 1994. Les frères de Kigali célèbrent chaque dimanche une messe dans chacune de ces trois langues. Quelques mille chrétiens se bousculent chaque fin de semaine autour de leur chapelle.

Le frère Benjamin profita de cette étape pour découvrir quelques aspects de la vie dominicaine en Suisse. Spécialement à Genève et à Fribourg. Il fut heureux de rencontrer le frère Aniedi Okuré qui l’initia au travail de la Délégation de l’Ordre auprès des instances des Nations Unies présentes à Genève.

Souhaitons que les frères qu’il a rencontrés manifestent davantage d’intérêt pour cette Afrique si souvent et si durement éprouvée, mais qui recèle une bonne part de l’avenir de l’Ordre. Les statistiques ne sont pas seules à m’y faire croire.