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Du côté de l’islam

  • Fr. Guy

Jacques Jomier : le dialogue silencieux

Le frère Jacques Jomier (1914-2008) vit le jour à la veille de la première guerre mondiale et s’éteignit chez les Dominicains de Toulouse plus que nonagénaire. Repéré et recruté par le Père Chenu pour devenir avec les frères Georges Anawati et Serge de Beaurecueil une pièce du trépied qui soutint la fondation de l’IDEO (Institut Dominicain d’Etudes Orientales du Caire), il fut un arabisant et un coranologue de haut vol.  De plus, un confrère exquis quoique désarmant. Prudent et même scrupuleux, mesurant avec minutie la portée du moindre de ses propos, se méfiant des malentendus et des oreilles indiscrètes, il progressait pas à pas en équilibre sur la corde raide du dialogue islamo-chrétien, sans filet pour amortir sa chute.

J’ai pu mesurer au cours d’une session qu’il animait cette sagesse précautionneuse et j’ai fait mon bonheur de ses publications claires, précises, mesurées et rigoureusement fondées. Je n’en mentionne que deux qui sont encore accessibles.

Tout d’abord, la brochure illustrée : « Pour connaître l’Islam » parue aux éditions du Cerf en 1988, reprise d’un cours donné à la Faculté de Théologie de Kinshasa en 1982, intitulé : « L’Islam aux multiples aspects ». Puis, aux mêmes éditions du Cerf, en 2015 : « Un chrétien lit le Coran ». Non pas une œuvre posthume, comme on pourrait l’imaginer, mais la réédition du quarante-huitième « Cahier Evangile » dont la rédaction fut confiée à Jacques Jomier. Notons que ce Cahier fut complété par un supplément comprenant des textes choisis du Coran en rapport avec la Bible. Je ne saurais trop recommander la lecture de ces deux ouvrages brefs, substantiels et précis à quiconque voudrait sérieusement et sans à priori s’initier à la pensée et aux pratiques islamiques,

Si le Père Jomier s’est toujours contenu dans ses écrits publics, il s’est par contre éclaté – certains diraient « défoulé » –  dans son courrier personnel. Ainsi, a-t-on publié en 2016, huit ans après son décès, sa correspondance privée avec le père Maurice Borrmans, (1925-2017), autre islamologue réputé. L’ensemble a paru sous le titre :« Confidences islamo-chrétiennes. Lettres à Maurice Borrmans (1967-2008) ». Une collection de 544 pages qui fut  remarquée et recensée par le frère Emmanuel Pisani, nouveau directeur de l’IDEO du Caire.

Dans une de ses dernières lettres à Borrmans, Jacques Jomier précise avec justesse les conditions de réussite du dialogue islamo-chrétien : 

« A mon avis, la première chose à obtenir est un silence respectueux et adorateur du face à face de toute créature en face de Dieu. Le fait le plus important qui m’a frappé dans ma vie est le changement de regard que j’ai constaté à partir du moment où nous adorions et respections ce face à face. La rencontre islamo-chrétienne a un aspect contemplatif et silencieux. (…) Maintenir la dimension verticale me semble indispensable pour le dialogue. »

Voilà qui nous ramène à l’essentiel, loin du bricolage interreligieux à la mode aujourd’hui, qui se contente d’un superficiel « vivre ensemble » sans perspective ni regard sur la foi des uns et des autres. Toute vraie rencontre est d’abord contemplative.

 

Note :

Pourquoi ne pas recommander aussi dans le même contexte et le même esprit la « Petite Introduction à l’Islam », reconstituée par Sœur Anne-Catherine, moniale dominicaine d'Orbey, à partir des notes laissées par le bienheureux évêque d’Oran, Pierre Claverie (1938-1996). Un ouvrage de 110 pages à la portée de tous, paru en 2010 aux éditions du Cerf et toujours disponible. 

Le frère Jacques Jomier, à gauche (photo © Bibliothèque de l'Institut dominicain d'études orientales)

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