Du simple au composé

« Passé simple » et son dérivé « passé composé » évoquent de  lointaines réminiscences de mon école primaire où je m’appliquais non seulement à apprendre à lire et écrire, mais encore à respecter l’orthographe et la grammaire en usage. Vieilleries anachroniques que tout ce fatras. Vive le smartphone ! Il vous épargne ce genre de désagréments qui encombrent inutilement votre mémoire. Seuls quelques vieux attardés de mon espèce s’en soucient encore.

Et voici qu’un mensuel romand d’histoire et d’archéologie, qui se veut sérieux sans s’alourdir de notes pédantes, a choisi comme titre l’expression désuète « Passé simple ». Ce magazine n’est pourtant pas « simpliste », mais accessible à ceux qui désirent pénétrer les arcanes de la politique, de la vie sociale et religieuse de ce petit coin de terre qui est aussi le mien. Un microcosme révélateur d‘universel.

J’en donne un exemple non dépourvu d’actualité. Il est extrait du numéro 86, juin 2023. Il s’agit d’un double éclairage signé par Dorothée Bender et Caroline Bornet-Salamin, intitulé : « Une manifestation féministe à Fribourg le 4 mai 1978 » et « Contre-manifestation des traditionalistes ».

Le vote populaire du 7 février 1971 avait accordé aux femmes suisses le droit de vote. Ce qui ne signifiait pas pour elles le terme de leur lutte pour l’égalité. Le combat était encore rude dans des cantons comme celui de Fribourg fortement imprégnés de traditions rurales et conservatrices. Les femmes étaient reléguées dans des rôles précis que la tradition leur interdisait d’outrepasser.

Notre magazine fait état d’une manifestation de femmes à Fribourg le 4 mars 1978, donc sept années après avoir conquis le droit de vote. Le canton et la ville du même nom étaient alors en pleine mue qui affectait aussi bien le domaine religieux que le monde politique. Le débat était vif et suscitait des réactions contrastées pas toujours amènes.

« Passé simple » fait mention, photos à l’appui, d’une contre-manifestation de femmes à Fribourg le 11 mars 1978. Une ou deux centaines de fidèles de Mgr Lefebvre organisent un « chemin de croix » expiatoire pour obtenir le pardon divin sur les « pécheresses » qui avaient défilé en ville une semaine plus tôt.

Depuis ces temps « glorieux » (?), les défilés féministes se poursuivirent à Fribourg. Même sous les fenêtres de l’évêché. Mais sans agressivité réciproque. On ne menace plus les unes des flammes de l’enfer et on ne traite plus les autres de fascistes.

Même « la tradition » évolue. En relation et connexion avec une société civile chargée de discerner ce qui est bien ou mal dans ce magma de prétendues « valeurs » dont chacune veut être un dogme. La vérité pourtant n’est pas derrière nous. ni même avec nous. Elle se situe devant nous, au terme d’une recherche commune respectueuse de l’humain, reconnu dans toutes ses dimensions.

Nous ne prétendons pas que ce parcours soit facile. Les diverses religions ont le droit et même le devoir de planter leurs balises sur ce chemin. Tout en reconnaissant qu’elles ne sont pas les seules à devoir le faire. De là, leur participation – je ne dis pas leur confrontation – à une recherche commune respectueuse du bien de tous.

J’ignore si « Passé simple » prévoit de relater un jour le défilé qui a marqué à Fribourg la journée des femmes du 14 juin de cette année 2023. Contrairement aux manifestations précédentes, un « Réseau de femmes en Eglise » y participait activement, sans renier leur foi ni leur attachement à l’Eglise. Ces dames réclamaient une meilleure formation théologique et pastorale qui aurait accru leur reconnaissance et facilité leur accès à la parité (sous touts ses formes ?) avec leurs collègues masculins.

Changement de ton et de perspective. Mon diocèse compte déjà trois représentantes de l’évêque dans trois territoires distincts de son diocèse. D’authentiques « vicaires épiscopales », si on ose les appeler par leur nom.

Courage et espoir ! Le passé « simple » devient de plus en plus « composé » dans mon Eglise.