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Elena Ferrante

  • Fr. Guy

Difficile adolescence

Elena Ferrante : La vie mensongère des adultes, Editions Gallimard, Paris 2020, 404 pages.

Une traduction, même excellente, ne remplace jamais un écrit original. Mais comment résister à la lecture de ce roman, même traduit, quand on en parle comme d’un chef d’œuvre et dont l’auteure serait aussi célèbre qu’Erri de Luca, son compatriote napolitain ? Des informations que je n’ai pu vérifier précisent que le vocable Elena Ferrante ne serait qu’un pseudonyme qui cacherait la véritable identité de l’auteure. Quoi qu’il en soit, c’est le contenu et la qualité du roman qui ont d’abord attiré mon attention, quelle que soit la personne qui l’a écrit. Ii s’agit d’une femme de toute évidence. Tout le roman est construit au mode féminin et sous ce regard particulier.

Au centre du récit, quatre années de la vie d’une adolescente. Depuis le jour – elle avait alors 12 ans – où elle a cru comprendre que le père qu’elle adorait jusque là la comparait une mégère de tante réputée pour sa méchanceté et surtout pour sa laideur, jusqu’au lendemain de ses 16 ans, quand elle décide par dépit amoureux de sa faire déflorer sans romantisme ni plaisir par un gars qu’elle méprise.

Une autobiographie romanesque écrite à la première personne, de la première à la quatre-centième page, dans laquelle l’héroïne ne cesse de s’examiner et de s’ausculter devant la glace de sa salle de bain, et plus encore dans les arcanes de son psychisme compliqué. Ce qui l’amène à espionner son entourage immédiat, à supputer ses intentions réelles ou imaginaires, bonnes ou malveillantes et à succomber elle aussi à la duplicité qu’elle voulait d’abord dénoncer.

Une question m’arrête. La recherche d’une identité d‘adulte exige-t-elle d’une adolescente un pareil parcours ? Est-elle obligée pour y parvenir d’errer des années durant dans un tel dédale semé d’impasses, d’illusions, d’embuches et de mensonges ? Est-ce une nécessité commune et « naturelle » ou alors une astuce littéraire qui permet à la romancière de corser son intrigue et d’allonger les lignes de son livre ? Je ne me sens pas qualifié pour en discuter.

 Ce qui m’a le plus intéressé par contre est le décor de cette histoire imaginaire où s’entremêlent des données et des faits qui n’échappent pas à notre actualité. Giovanna – c’est le prénom de l’adolescente – est fille unique d’un couple d’intellectuels parvenus   qui rêvent de voir leur fille emprunter leur chemin. Ils vivent en circuit fermé avec de faux amis dans un beau quartier de Naples. Andrea, le père, a honte de la zone populaire qui l’a vu naître et grandir et veut à tout prix, mais sans succès, en interdire l’accès à sa fille. Par ailleurs, Milan demeure pour tous ces Napolitains le paradis de rêve à conquérir, comme Rastignac voulait conquérir Paris. Quant à la religion –  comment l’éviter dans un contexte italien ? – elle est un mélange de pratiques magiques et d’athéisme primaire que l’on fait valoir quand on veut esquiver les questions gênantes.

Alors, à boire et à manger dans ces quatre cent pages ? Le lecteur trouvera ce qui convient à sa soif et à sa faim. Il ne devrait pourtant pas négliger de reconnaître le talent de l’auteure.

© Éditions Gallimard

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