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Ella Maillart

  • Fr. Guy

Une suissesse hors norme

En général, les Suisses sont plutôt casaniers et ne courent pas d’aventures risquées loin de leurs lacs, de leurs forêts et de leurs chalets d’alpage. Le temps est bien révolu quand les paysans montagnards passaient l’hiver à guerroyer dans les pays voisins contre espèces sonnantes et trébuchantes.

Et que dire alors de leurs femmes confinées pendant des siècles entre couture et confiture, privées de droits politiques jusqu’à une période récente et dont le mari devait nécessairement provenir de la même vallée ou, à la rigueur, du village voisin ?

Ella Maillart, née à Genève en 1903, fut une exception qui confirma cette règle. Avec Annemarie Schwartzenbach (1908 -1942), sa contemporaine écrivaine, photographe et journaliste qui vécut avec elle une équipée en Afghanistan.

Fille d’une famille aisée, bourgeoise et conservatrice, Ella refusa de répondre aux attentes de son milieu. Elle préférait explorer des horizons inconnus et, plus encore, échapper à une Europe dégénérée par les atrocités de la première guerre mondiale. Elle a pourtant choisi d‘y revenir sur le tard pour vivre ses dernières années et mourir en 1997 à Chandolin, un village valaisan très haut perché qui lui servait de promontoire et de musée où elle avait entassé ses souvenirs de voyage.

Les éditions Cabédita viennent de lui consacrer un petit ouvrage d’une centaine de pages, muni de documents photographiques, rédigé par Bridge Dommen, destiné à la jeunesse, mais autorisant les plus de 77 ans à y trouver aussi plaisir et intérêt.  Son titre : Ella Maillart. Dans la tourmente du XXe siècle.

Passionnée de sport, on la découvre toute jeune championne de ski, participant à des régates olympiques, naviguant sur la Méditerranée. C’est le sport qui l’amène à Moscou en 1930 dans le but de rencontrer une jeunesse qui comme elle est passionnée de joutes sportives. Elle en revient enthousiaste et s’étonne amèrement que ses compatriotes helvétiques lui reprochent de s’être laissée séduire par la propagande soviétique et d’être demeurée aveugle face aux exactions staliniennes.

Cette mésaventure lui servira de leçon. 

Dans ses futurs récits de voyage, Ella Maillart ne portait jamais de jugement sur les divers régimes politiques des régions qu’elle traverse. Pas un mot sur Mao-Tse-Toung dont elle croisera aux confins de la Chine « la longue marche », pas plus que sur le combat que mène Gandhi en Inde, un pays qu’elle explore pourtant pendant sept années. Elle n’aura de reproches que pour le Japon, non pas pour avoir envahi la Mandchourie, mais pour avoir importé dans cette colonie nippone la technique européenne qui a détruit la culture ancestrale des Mandchous.

On l’aura compris, l’intérêt d’Ella Maillart se porte davantage aux mœurs et coutumes des populations nomades d’Asie centrale plutôt qu’aux sédentaires qui tentent de les convertir à ce qu’ils appellent le progrès. Elle épousera même le très rude régime de vie des nomades, les accompagnant sur des cols escarpés qu’aucun européen n’avait encore franchis.   

Que reste-t-il d’Ella Maillart ? Un chemin à Genève qui porte son nom ? Des récits de voyages dont l’édition lui a permis de faire face à ses frais ? Il nous reste surtout la stature exceptionnelle d’une femme libre et courageuse qui a su défier son siècle par la fidélité à sa vocation originelle. Une femme prophétique aussi qui a perçu les limites du profit et de la technologie pour revendiquer le droit de vivre simplement, mais heureux.

© Éditions Cabédita

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