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En retraite avec Marie-Laure

  • Fr. Guy

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Marie-Laure Dénès : La fragilité chemin de fraternité, chemin vers Dieu, éditions du Cerf, 2022, 50 pages

J’achève la lecture d’un opuscule qui se propose d’accompagner celui ou celle qui s’aventure seul dans une retraite spirituelle de trois jours.

Son auteure est Marie-Laure Dénès, aujourd’hui provinciale de France de la Congrégation Romaine de Saint-Dominique. Un titre prestigieux au temps où cette Congrégation étendait son empire de collèges de jeunes filles bien au-delà du Royaume de France et de Navarre.

Mais le temps a coulé depuis. Même pour Marie-Laure que notre communauté dominicaine genevoise recevait avec plaisir quand elle venait faire part de ses compétences socio-politiques à la Délégation de l’Ordre auprès des instances onusiennes.

Et bien, je me suis mis en retraite ces jours derniers, non seulement accompagné par le covid, mais surtout par les réflexions de Marie-Laure. Comme elle nous y invite, je transcris les miennes à la suite des siennes, en respectant ses têtes de chapitre.

Refuser la fragilité, voie sans issue
A priori, le terme « fragilité » me fatigue. Pour ne pas dire davantage. Citée sans retenue ni discernement, la fragilité excuse tout. Non seulement elle nous fait accepter nos limites « naturelles », quels que soient les vains efforts des transhumanistes pour les dépasser, mais elle jette un voile pudique sur des fautes dont nous sommes personnellement responsables.
Etre fragile ce n’est pas non plus consentir à une maladie et à un handicap pour s’y enfermer, mais c’est l’occasion de recourir à un partenaire complémentaire. J’aime évoquer à ce sujet l’image de l’aveugle portant sur ses épaules un paralytique qui lui indique le bon chemin. Nos fragilités partagées sont la clef de l’entraide sociale. Chacun a besoin d’un autre.
Marie-Laure sait de quoi elle parle, elle qui occupe actuellement un poste de responsabilité au « Secours Catholique ».

La dé-maîtrise, lieu de révélation
Notre chère Marie-Laure nous emmène du côté d’Hérode et des mages pour nous convaincre de ne pas chercher à tout maîtriser. Surtout pas l’imprévisible. Hérode panique face à un bambin de quelques mois dont il n’a jamais entendu parler. Sa peur irrationnelle l’entraîne dans des entreprises criminelles.

De même, un nano virus suffit à ébranler la terre entière et ternir nos joies. J’ai poussé un ouf de soulagement quand mon pharmacien a prononcé à mon sujet le mot magique « négatif ». Du coup, mon agenda s’est noirci de rendez-vous « incontournables ». Oubliés ces moments de solitude féconde, ces amitiés retrouvées sur le net, ces réflexions insolites… La peur de ne rien « faire » l’emporte sur la surprise de l’inattendu, sur l’admiration de ce qui est en train de naître. Le covid ne m’aurait-il rien appris ?

Le frère prodigue
La parabole du Père et des deux fils, chacun des trois prodigue à sa manière, fait dire à Marie-Laure que la fraternité est impossible là où un partenaire s’estime meilleur que son compagnon. Contre toute apparence, le fils aîné n’est pas un saint. Comme son cadet, un long chemin de vérité l’attend pour que les deux frères puissent enfin se reconnaître. La fraternité résulte de deux précarités reconnues et déclarées.

Fragilité et puissance de la chair
Comme tant d’autres, Marie-Laure ne supporte plus ces masques qui nous défigurent, nous éloignent les uns des autres, nous interdisent tout geste de tendresse. Le covid aura tué la relation « charnelle » pour nous enfermer dans le virtuel ou le spirituel évasif. Comment rencontrer le Christ souffrant dans ses frères et ses sœurs si leurs souffrances ne sont que notionnelles ? Paul Claudel écrivit un jour que le Christ sur sa croix n’avait pas souffert en peinture ! Trop de mots, même sublimes, sur nos fragilités. Pas assez de compassion active.

Jusque là
Dieu nous voudrait « parfaits » comme lui. Voilà qui est bien prétentieux. Même Jésus ne l’était pas. Sans péchés sans doute, mais non sans faiblesses. Son humanité, comme la nôtre, n’est pas demeurée indifférente au reniement et à la trahison de ceux qui prétendaient le suivre, il s’émeut face à la mort de ses amis, et la peur l’envahit dans la perspective de sa mort prochaine. Ne confondons pas culpabilité et fragilité. La première est personnelle et nous invite au pardon ; la seconde est naturelle et fait de Jésus notre modèle.

Bienheureuse fragilité
La dernier point de méditation proposé par Marie-Laure est une relecture des Béatitude sous l’angle de la fragilité. L’auteure a raison de penser que pour nos contemporains cette page d’évangile fait l’éloge des loser, des éternels perdants, de ceux qui n’ont pas voix au chapitre du courage, de la performance et de la ténacité. Rebuts, et déchets d’humanité que l’histoire aura raison de très vite oublier.
Et si le contraire était vrai ! Si la résistance du faible et du sans-droit s’avérait finalement triomphante. Paul n’en disconvient pas : « C’est quand je suis faible que je suis fort ! ». Seuls peuvent l’admettre ceux qui croient que le crucifié de la veille reprend vie deux jours plus tard.

Marie-Laure Dénès dans une capture d'écran YouTube

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