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Enfants-rois ou enfants-esclaves ?

  • Fr. Guy

Le dernier roman de Delphine de Vigan

Le nouveau roman de Delphine de Vigan : « Les enfants sont rois » vient de paraître chez Gallimard (Paris 2021, 348 pages).

J’avais déjà recensé sur ce blog « Les loyautés » de la même romancière. 

Je reste séduit par son style, sa fine connaissance de l’humain et, pour le dire à l’aide d’un vocable aujourd’hui en voie de péremption, par la « moralité » de ses perceptions et jugements.

Delphine de Vigan puise ses sujets dans l’actualité et ne manque pas de faire usage de ses connaissances, mêmes techniques, et, s’il y a lieu, de son expérience personnelle. Le thème débattu dans son dernier roman est celui des enfants agents publicitaires sur le net au service de firmes commerciales. Des enfants encouragés et organisés par leurs parents qui recueillent au passage les bénéfices financiers de cette juteuse opération.

L’auteure fait paraître au grand jour toute les dérives perverses de ce processus : enfances et adolescences volées, Inadaptation à la vie adulte, déséquilibres psychiques profonds, révoltes et violences. Couverts de cadeaux inutiles, ces enfants cumulent sous l’œil des caméras des heures de pose jusqu’à perdre le sommeil et, bien sûr, le sourire et la joie des jeunes de leur âge. Ils ne sont plus eux-mêmes, mais des acteurs au service d’intérêts financiers.

Delphine de Vigan se défend d’assimiler ces enfants à ceux du spectacle dont les prestations sont limitées par une loi qui les concerne. Il y a bien une législation, guère appliquée hélas, qui devrait protéger les youtubeurs de bas âge. En fait, ces jeunes sont soumis à des parents qui leur font miroiter qu’ils deviendront des vedettes exceptionnelles en apparaissant jour et nuit sur la toile.

Les scènes décrites provoquent le dégoût du lecteur, mais plus encore sa stupéfaction face à l’irresponsabilité des adultes pour qui le « paraître à l’écran » justifie toutes les turpitudes. Pour le démontrer, la romancière utilise deux portraits de femmes. L’une – est-elle encore saine d’esprit ? – ne voit aucun mal à s’adonner, elle-même et ses enfants, à ce genre de spectacle on line ; l’autre – est-ce le double de l’écrivaine ? – garde sa tête froide au milieu de l’horreur qu’elle tente de dénoncer.

L’intrigue policière qui est la trame du roman importe peu. Le lecteur se demande toutefois si de tels enfants-martyrs existent vraiment. L’auteure n’en disconvient pas, même si le nombre de ces victimes ne se chiffre pas par milliers. J’ai l’impression que Delphine de Vigan veut surtout prévenir des désordres plus graves qui pourraient survenir à l’avenir. Les faits dont elle parle dans les dernières pages de son roman sont situés en 2031, dix ans après les événements qu’elle décrit dans le corps de son livre. A cette date, selon elle, les progrès (?) ou les dégâts de l’informatique sont difficilement imaginales, mais ils réduiraient toujours davantage la sphère autonome de l’humain. Un humain qui par ailleurs n’aura rien appris de la crise pandémique actuelle et laisse libre cours au réchauffement climatique, même si les moteurs à essence sont interdits dans les rues de Paris.

Perspectives sombres qui pourraient être désespérantes sans une infime minorité de résistants, vivant sans portables collés sous leur nez. Ces rescapés d’un nouveau déluge universel garantirait la survie de l’humanité de demain. Caricature ou prophétie ? Le lecteur avisera.

© Éditions Gallimard

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