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Engagement climatique

  • Fr. Guy

Une jeune rwandaise au créneau

Angèle Habyakare, 18 ans, est née à Genève de parents rwandais. Elle est l’aînée de deux sœurs et d’un frère et arbore avec eux et ses parents le passeport à fond rouge muni de la croix fédérale.

Une famille proche du frère Guy qui passa 19 années au Rwanda, pays d’origine des Habyakare. De ce fait, la famille est aussi amie de la communauté dominicaine de Genève.

Parvenue au terme de ses années d’études secondaires au Collège Madame de Staël, Angèle vient de s’inscrite à la Faculté des Sciences de l’Université de Genève où elle entreprend des études de physique.

Engagée dans le scoutisme et l’animation de son quartier, elle prend part à la lutte pour une écologie saine et un changement climatique. C’est à ce titre qu’elle fut invitée le 22 septembre dernier à prendre la parole à une table-ronde lors de la séance d’ouverture du Festival du Film Vert à Genève.

Suite à cette manifestation, Angèle a accepté de répondre aux questions posées par le frère Guy.

 

 

Quel est le nom exact du festival inauguré par la projection du film Anthropocène au cinéma Empire ?

Angèle Habyakare : Le festival inauguré par la première soirée où le film Anthropocène fut projeté, est le Festival du Film Vert. Ce festival existe depuis 15 ans et se déroule dans plusieurs régions de la Suisse (Fribourg, Valais, Vaud, Berne, Jura, Tessin…), mais aussi en France (Aix, Haute Savoie, Gard). Son but est de projeter des films sur des sujets écologiques, mais qui peuvent aussi aborder d’autres luttes qui y sont liés, comme la lutte pour les droits humains.

La soirée du 22 septembre 2020 qui marquait le début de la 15ème édition fut suivie de discussions à laquelle j’ai eu la chance d’être intervenante. Le Festival du Film Vert qui aurait dû avoir lieu à Genève en mars n’a pu se produire à cette date du fait de la crise sanitaire Il est en partenariat avec le festival Alternatiba Léman, plus local et qui aborde les mêmes thématiques. La 15ème édition du Festival du Film Vert se termine le 4 octobre 2020. Nous vous attendons pour l’année prochaine !

A quel moment as-tu commencé à t’intéresser aux questions écologiques et climatiques ?

AH : Je ne pourrais pas dire vraiment à partir de quel moment, car ces questions écologiques m’ont accompagnée tout au long de ma vie, à travers ma famille et les scouts. Par contre, je pourrais dater le moment où j’ai commencé à me rendre compte de la situation à laquelle nous faisons face maintenant.

J’avais été frappée par les conséquences à grande échelle de l’activité humaine. C’était en été 2018, j’avais 16 ans. A partir de ce moment-là, je me sentais seule et impuissante face aux crises climatique, environnementale et humaines que nous vivons. Je voulais m’engager fermement. Puis, durant le second semestre de ma rentrée scolaire, le mouvement « grève pour le climat » est né. J’ai énormément participé à ses débuts au niveau cantonal pour la coordination des différents établissements scolaires et des autorités publiques. Puis, davantage au Collège Madame de Staël, où j’étudiais.

D’où te vient cet intérêt et pourquoi ?

AH : Je me suis beaucoup renseignée durant cet été 2018. Ce qui m’a beaucoup changée. Je lisais des articles, je visionnais des documentaires, j’ai lu beaucoup de livres, j’écrivais beaucoup de réflexions sur ce sujet. C’est ainsi que j’ai vu mon intérêt grandir de manière significative.

Mon engagement est tout simple : il vient du droit à la vie. Je ne trouve pas normal que la vie soit banalisée au profit d’intérêts économiques fictifs et éphémères, que la surconsommation sans conscience et même avec conscience soit un mode de vie encouragé. Je me suis beaucoup penchée au début, sur les conséquences de nos activités humaines nocives pour notre environnement (faune et flore) et santé, mais maintenant je m’étends sur l’aspect des droits humains banalisés pour le profit. C’est l’une de mes luttes principales.

Les conséquences très visibles du changement climatique ne se ressentent pas de manière significative dans nos sociétés occidentales et confortables. Pourtant notre consommation engendre de fortes injustices sociales ailleurs. C’est l’une des conséquences qui me révolte et pour laquelle je veux me battre, principalement en m’informant sur d’autres modes de vie propres à d’autres cultures et philosophies. Autant d’alternatives et des modèles proposés à notre société de consommation et à notre manière de penser notre environnement.

Sous quelles formes ta participation ? Pratiques écolos personnelles ? Si oui, lesquelles ? Manifestations publiques ? Si oui, lesquelles ?

AH : En termes de pratiques personnelles, je suis végétarienne depuis deux ans. Principalement pour des raisons éthiques, je m’abstiens de consommer des produits de l’industrie de la viande. Je fais du tri, j’essaie de faire attention à ma consommation alimentaire et j’observe une certaine cohérence entre mon éthique et les produits que je consomme. Je fais très attention à la démarche marketing « greenwashing » qui a pour but de continuer à faire consommer tout en faisant croire aux consommateurs qu’ils pratiquent une éco-responsabilité dans leur mode de consommer.

On le remarque par exemple à travers la promotion du vélo électrique qui pollue autant qu’un véhicule motorisé. Ma famille et moi ne possédons pas de voiture, pour des raisons écologiques notamment. Je n’achète plus d’habits neufs. Tout simplement, parce que je me rends compte que je n’en ai pas besoin. J’ai ressenti aussi la joie et la satisfaction de promouvoir le tri, notamment les déchets alimentaires, en distribuant des poubelles vertes dans ma commune de Perly-Certoux. J’essaie de sensibiliser le plus de personnes possibles, surtout les jeunes dont j’ai la charge dans mes activités scoutes avec d’autres responsables. Telles sont les actions que je fais à mon échelle individuelle.

La participation aux manifestations publiques, grèves pour le climat, débats publics, etc., est la part visible de mon engagement. Sans oublier toute ma réflexion sur les apports significatifs que j’ai envie d’apporter en vue d’un changement de société. Je réfléchis sur la façon d’ancrer un mode éco-responsable dans notre culture de surconsommation facile et rapide. Plus simplement, mettre la vie au centre de nos intérêts. Notre mode de vie destructeur doit changer. Il faut penser le changement. C’est ce que je peux et essaie de faire à mon échelle pour l’instant.

Quels soutiens rencontres-tu ?

AH : Je rencontre beaucoup de soutien mutuel de la part de jeunes militants autour de moi. Plusieurs enseignants m’ont aussi soutenue durant les grèves pour le climat. De même, le soutien d’amis de la famille ou d’associations. La possibilité aussi de s’exprimer pour moi dans des événements publics comme celui du Festival du Film Vert ou en d’autres occasions est un soutien qui m’encourage à poursuivre mon engagement et mes recherches et enrichit mes connaissances sur le sujet.

Quelles sont les forces contraires qui freinent ou s’opposent à ton combat ?

AH : D’abord la réaction de certains politiques qui ne jugent pas prioritaire la crise climatique. Cette attitude est une source de découragement, mais elle renforce aussi na détermination à poursuivre mon engagement.

Je m’interroge aussi sur les décisions d’ordre juridique de certains responsables face aux actions non-violentes entreprises par des militants en faveur du climat. Je pense à la manifestation qui fut organisée à Berne la semaine dernière sur la place fédérale. Des manifestants pacifiques et non violents furent évacués par la force publique. Ou à d’autres manifestants non-violents qui perdent des procès face à des entreprises qui investissent dans la destruction de l’environnement.

L’article paru dans Le Courrier du weekend dernier (26 septembre) « Réchauffement : 2020, une année perdue pour le climat », m’a d’abord beaucoup découragée. J’avais perdu espoir en un changement de l’opinion sur ce sujet.. Par la suite, je me suis souvenue des actions rapides menées face à la crise sanitaire. Elles nous ont montré qu’il est possible d’agir rapidement lorsque nous sommes touchés par une pandémie. La crise climatique qui engendre des flux migratoires et des problèmes sanitaires dus à nos activités polluantes ne pourrait-elle pas elle aussi susciter des réactions rapides et universelles ? Faut-il attendre une catastrophe climatique pour prendre conscience de l’urgence de ce problème ?

Ceci n’est qu’un échantillon parmi les questions que je me pose. Les objectifs établis ne sont pas suffisants. Il faudrait, selon moi, investir davantage dans l’éducation pour atteindre un autre mode de vie plus sain pour notre esprit, notre corps et notre environnement.

Face à ces problèmes restes-tu confiante en l’avenir ? Si oui, pourquoi ? Comment envisages-tu tes prochains engagements ?

AH : Je reste confiante par rapport à mon engagement, mais je crains que ce mouvement de jeunes qui date des années 80-90 et qui a conquis ma génération ne se transmette plus. Je souhaite que les questions relatives à la crise climatique ne soient plus débattues, mais qu’elles soient résolues.

A ce stade de ma vie, je n’ai pas, selon moi, les connaissances suffisantes pour proposer des alternatives de changement. C’est pourquoi je veux orienter dans ce sens ma formation professionnelle. Mes prochains engagements seront fidèles à cette optique. Je reste donc militante car la crise climatique ne va pas prendre de pause au cours du temps de mes études. Il me reste encore beaucoup de travail pour y arriver. Mais j’ai foi.

Et l’Afrique dans tout ça ?

AH : Comme l’Amérique Latine, l’Afrique est un modèle. Elle dispose d’un riche patrimoine écologique et préserve son environnement. Mais elle est aussi exploitée et contribue au mode de surconsommation. La plupart des matières premières qui interviennent dans la fabrication de produits indispensables à notre confort matériel viennent d’Afrique. Nos déchets sont aussi expédiés dans ce continent. Ajoutez encore les conflits armés régionaux.

Selon moi, le modèle de développement européen de consommation n’est pas un exemple pour les pays d’Afrique et d’Amérique Latine. Le respect des valeurs traditionnelles africaines n’empêche pas ce continent d’entrer dans la modernité. 

L’Afrique paye aussi un lourd tribut au dérèglement climatique. Feux de forêt, inondations en sont les conséquences. En termes de chiffres, selon un rapport de l’Oxfam, une organisation internationale caritative et indépendante, 1% des plus riches polluent deux fois plus que la moitié des plus pauvres. Quelle est notre pourcentage dans cette pollution ?

Merci, Angèle !

Angèle Habyakare en visite au couvent de Genève (photos pour cet article : la rédaction)

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