Eric-Emmanuel Schmitt

Quelques extraits significatifs du dernier livre d’Eric-Emmanuel Schmitt. Ceux-ci ont été choisis par l’auteur de ce blog. Il en est bien d’autres au gré des lecteurs.

Relativiser

« Jérusalem me jauge à son tour. Ce n’est plus moi qui l’examine, c’est elle qui m’observe. ‘Te voilà chrétien, souffle-t-elle, cependant tu aurais pu demeurer athée, voire, selon les caprices de tes déplacements, baigner dans la civilisation juive ou musulmane. Relativise un peu.’

Par réflexe, je me cabre. Relativiser ? Non ! Je m’insurge contre sa semonce. Rien ne s’équivaut. Même quand elles parlent d’un seul Dieu, les religions se distinguent. Quoiqu’elles aient toutes vocation à professer l’altruisme et la pureté du cœur, elles ne mettent pas le même accent sur les mêmes vertus, respect pour les juifs, amour pour les chrétiens, obéissance pour les musulmans.

Pour ma part, je suis devenu croyant dans le désert du Sahara, mais chrétien je le suis devenu en lisant les Evangiles qui prônent le don de soi ; tout récemment, mon adhésion a été renforcée par ma révélation au Saint-Sépulcre. Touché, j’ai consenti à ce qui m’est apparu, j’ai accepté la vérité. » (op.cit.p. 170-171)

Le défi que Dieu nous lance

« Le défi que Dieu lance aux croyants, aux incroyants, outrepasse ce qu’ils imaginent. Dieu ne leur dit pas ‘Entendez-moi !’, mais il leur crie : ‘Entendez-vous !’ A Jérusalem où tout a commencé, rien n’est fini. » (op.cit.p.172)

A tâtons et toujours plus de lumière

« Mon christianisme ne consiste pas en savoir, mais une façon d’habiter ce que ma raison ignore. Grâce à lui, je me dirige à travers une forêt, l’obscure condition humaine. Toujours à tâtons, quoique avec toujours plus de lumière. » ( op.cit.p.m174)

Une fois pour toutes !

« C’est votre première fois en Terre sainte ? – La première fois !

A quel point cela constitue une première fois, je ne peux le leur préciser. Oui, c’est la première fois que je saute d’un christianisme spirituel à un christianisme incarné. Oui, c’est la première fois que ma foi gagne cinq sens. Et autant disposé à aimer.

C’est la première fois pour toujours.

La première et définitive fois.

Ma fois. » (op.cit. p. 180)

Jésus ne fut pas un Dieu vainqueur

« Jésus, s’il fut Dieu, ne fut pas un Dieu vainqueur. Il n’échappa ni aux Romains ni aux grands prêtres. Il n’extirpa pas les clous de sa croix, il n’envoya aucun déluge pour punir ses bourreaux. Non, il périt et réapparut subrepticement, caché sous une capuche, murmurant à l’oreille des femmes, des marcheurs, de quelques disciples. Jésus n’est pas un Dieu triomphant, mais l’intercesseur qui fait triompher d’amour. »

Palper le mystère plutôt que l’élucider

« L’Incarnation et la Résurrection relèvent du mystère, pas de l’énigme. L’énigme offre un problème que dénoue une solution - toute énigme expire. Le mystère soulève un problème qui n’obtient nulle résolution et, comme tel, nous donne à réfléchir, mieux même à espérer… On ne devient pas chrétien pace qu’on a élucidé le mystère du christianisme, on devient chrétien parce qu’on palpe ce mystère, qu’on le fréquente, qu’on s’en inspire et que, de ce contact, on sort modifié. Si la foi chrétienne réclame au départ une intelligence persévérante – lire les Evangiles, les comparer, les interroger, les compléter –, elle la dépasse pour se muer en adhésion. Comment ? Mon expérience l’a révélé. Le christianisme est un mystère auquel il reste mystérieux de croire. » (op.cit.p.211-212)

Pourquoi Jérusalem ?

 « Au fond, il y a deux façons d’appréhender un voyage en Israël et en Palestine, deux manières aussi légitimes l’une que l’autre. Certains cherchent leurs racines dans la terre. Moi, je les ai trouvées dans le ciel. » (op.cit.p.212)