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Evangéliques en procès

  • Fr. Guy

Le véritable évangile est trahi

Je reviens sur une émission de Temps Présent de la RTS diffusée le jeudi 20 juin. Titre provocateur : « Les évangéliques à la conquête du pouvoir ».

Après le douloureux Temps Présent consacré aux abus sexuels commis dans mon Eglise, je ne veux pas donner prise aujourd’hui à une joie mauvaise et ricaner en pensant aux évangéliques : A chacun sa « fête ! ».

Je résiste donc à cette pitoyable consolation de damnés.

A dire vrai, j’aurais ignoré cette émission si un mail de la Fédération évangélique suisse ne m’avait pas alerté. On me conseillait de « prier » pour les journalistes responsables de ce reportage qui risquait d’être accablant pour leur Eglise.

En fait, les évangéliques suisses furent épargnés. Un épilogue les lava de tout soupçon. Hormis une séance de guérisons filmée en caméra cachée dans une de leurs communautés, rien ne pouvait porter atteinte à la réputation de ces chrétiens qui prennent leur distance d’avec l’Etat et les Eglises officielles, vivent en petits groupes fermés et fervents, observent des préceptes moraux très rigoureux, sans toutefois, disent-ils, exercer la moindre pression pour contraindre le reste de la population à y adhérer. Dont acte. Quoique…

 

Mais si Temps Présent présentait les évangéliques suisses comme de blanches brebis, il n’en allait pas de même pour leurs coreligionnaires étatsuniens et brésiliens. Leurs Eglises là-bas forment le fond de commerce des présidents Trump et Bolsonaro et leurs dignitaires occupent le haut du pavé du pouvoir politique : ministères importants, influence directe ou indirecte sur les dirigeants.

Le but est évident : faire passer la nation brésilienne ou américaine sous le diktat de leur morale et de leurs principes religieux et imposer le fondamentalisme biblique à l’enseignement officiel.

Bref, le programme d'une Eglise constantinienne et théodosienne remis au goût du jour, mais cette fois-ci à la sauce évangélique.

Il va sans dire que pour parvenir à leur fin les évangéliques du nouveau monde sont prêts à y mettre le prix. Même s’ils doivent se boucher le nez.

En devenant les agents électoraux de Trump ou Bolsonaro, leurs prédicateurs épousent aussi leur programme : domination de la race blanche, expulsion ou extermination des peuples indigènes, fermeture des frontières aux immigrants, libéralisme économique effréné…

Autant de prises de position fort éloignées de la « bonne nouvelle » de Jésus de Nazareth.

Le plus scandaleux, à mon avis, est l’exaltation d’une théologie de la prospérité. Le bon chrétien serait celui dont les affaires économiques et financières sont réjouissantes. Preuve que Dieu l’a béni. Et les pasteurs, reluisant de santé, portant costume et cravates, arborant très ostensiblement une Rolex à leur poignet, n’ont aucune gêne à le démontrer aux habitants des favelas de Rio.

Là encore, ils y mettent le prix. Ils disposent d’un réseau social puissant : aides matérielles, écoles, soins médicaux, lutte contre la drogue, accueil de femmes enceintes tentées d’avorter. Sans ne rien dire de leurs lieux de culte, vastes et luxueuses halles de concert et de prédication équipées de sonos du dernier cri. 

En comparaison, les églises catholiques vétustes héritées de l’âge colonial font piètre et anachronique figure. En un mot, l’argent coule à flot.

Mais d’où vient-il ? Et quel est le but de cette bienfaisance que j’ai peine à croire désintéressée ?

Piètre figure que celle de l’Eglise catholique ? Sans aucun doute. Celle des Etats-Unis est discréditée et empêtrée par des scandales sexuels à répétition et celle du Brésil est minée par des conflits internes entre conservateurs et partisans de la théologie de la libération. Ces débats – souvent théoriques et en vase clos –ont aveuglé les responsables catholiques, laissant le champ libre aux évangéliques qui ont occupé les zones où vivent les populations déshéritées des banlieues et favelas abandonnées par la pastorale de l’Eglise jusque là majoritaire. Désormais, le catholicisme brésilien s’effrite comme une peau de chagrin et va vers son déclin.

Ce qui le remplace est loin de me réjouir.

Le véritable évangile est trahi, mis au service d’une force politique brutale et violente. Temps Présent nous a toutefois présenté un ou deux évangéliques américains lucides (mais aucun brésilien) se demandant s’ils n’avaient pas fait fausse route.

Mais une seule hirondelle ne fait pas à elle seule tout un printemps.

Église Lakewood au Texas, 2013. Wikimédia.

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