Evangéliser ? Oui. Mais comment ?

Jean Comby et Claude Prudhomme : Deux mille ans d’évangélisation et de diffusion du christianisme, Collection : Histoire des mondes chrétiens, éditions Karthala, Paris 2022, 760 pages.

On doit la publication de cette « somme » d’histoire de la mission chrétienne à trois membres du Centre de Recherche et d’Echanges sur la Diffusion et l’inculturation du Christianisme (CREDIC), que ce blog a déjà présenté à l’occasion de la parution d’un ouvrage collectif commémorant le quarantième anniversaire de ce groupe de chercheurs et d’amis historiens.

Cette fois-ci, trois d’entre eux, mais surtout le premier, Claude Prudhomme, professeur retraité de l’université Lumière 2 de Lyon, avec le concours de Paul Coulon, de l’Institut Catholique de Paris, et du couple François et Annie Bart, géographe et historienne, ont uni leurs efforts, talents et compétences pour rendre un hommage original et précieux à leur collègue Jean Comby, décédé à Lyon le 31 mai 2020, jour de l’Ascension.

Ce prêtre historien de Lyon fut professeur à la Faculté de Théologie Catholique de Lyon de 1975 à 1996. Soucieux de faire rayonner son savoir par des publications accessibles au grand public, Jean Comby publia en 1992 chez Desclée, dans la « Bibliothèque d’Histoire du Christianisme », un manuel richement documenté, intitulé :« Deux mille ans d’évangélisation. Histoire de l’expansion chrétienne ». L’auteur a retravaille son ouvrage au début des années 2000 en vue d’une seconde édition qui ne vit jamais le jour.

Le professeur Prudhomme reprend ce manuscrit après le décès de Jean Comby. Il l’amplifie et l’enrichit considérablement. Le livre passe de 327 à 760 pages. Bref, ce nouvel ouvrage est « l’aboutissement d’un long chantier qui a mobilisé beaucoup de monde » et dont l’objectif n’a guère changé : « rendre compte avec justesse et mesure d’une histoire qui retrace les étapes de la diffusion du christianisme dans l’espace et dans le temps, tout en mettant l’accent sur les modèles d’évangélisation promus au cours de l’histoire, sur les questions soulevées et les réponses apportées ».

Comme la première version déjà publiée, ce nouveau livre s’adresse « à tout public » et tout particulièrement aux étudiants qui voudraient l’utiliser « comme guide » en vue d’un travail plus approfondi.

Mentionnons que ce nouvel ouvrage, plus que l’ancien qui est à son origine, envisage la mission chrétienne dans toutes ses composantes confessionnelles. Il porte donc son regard au-delà du catholicisme. De même, Il s’attache à rendre compte de la diversité des modèles missionnaires, de leur flux et reflux, de leurs profondes mutations qui ont marqué leurs deux mille ans d’histoire.

On lira sur ce sujet précis avec grand intérêt les chapitres 9 et 10 consacrés aux changements qui au siècle dernier ont modifié le concept de la mission et bouleversé sa présence sur le terrain. Le missionnaire au long cours, qu’il soit européen ou américain, a pratiquement disparu, laissant place à des Eglises autochtones venant évangéliser des populations de notre hémisphère jusque là chrétiennes.

Le livre met enfin en lumière le regard que portent ces jeunes Eglise sur les missionnaires qui sont venus jusqu’à elles, souvent assimilés aux agents coloniaux ou, du moins, confondus avec les propagandistes d’une culture différente de la leur. Un discours parfois dur à entendre, mais purificateur et libérateur.

Quoi qu’il en soit, par monts et par vaux, dans la joie et la détresse, dans l’erreur et le doute, s’est vérifiée au cours de deux millénaires la parole de Paul (1 Co 9,16) : « Annoncer l’Evangile n’est pas pour moi un titre de gloire, c’est une nécessité qui s’impose ».

Merci et félicitations aux auteurs et amis qui ont retracé avec objectivité le sillage laissé par cette sublime et sinueuse aventure. Même s’ils n’ont pu explorer les débats intérieurs de ceux et celles qui l’ont courue. Cette réalité relève d’une autre histoire qui échappe à leur regard scientifique.