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Exposition en Pays de Gruyère

  • Fr. Guy

Capucins lettrés et prédicateurs populaires

Visite en août au Musée Gruyérien de Bulle, de l’exposition « Réformes. Et Fribourg resta catholique ». En fait, une présentation de documents de précieuse valeur provenant des bibliothèques des couvents des Capucins de Fribourg, Bulle et Romont, cédés à la BCU (Bibliothèque Cantonale et Universitaire) de Fribourg. Simone de Reyff, historienne fribourgeoise, fut la conceptrice de ce projet dirigé par Serge Rossier et Christophe Mauron. Soit dit en passant, Simone de Reyff figura sur la liste du premier comité de rédaction de la revue dominicaine romande « Sources ».

L’exposition bulloise fait suite à une autre exposition, fribourgeoise celle-là, élaborée par un groupe d’étudiants bilingues de l’Université de Fribourg. Elle portait sur le même sujet. Essentiellement sur le fonds des Capucins de Fribourg qui en 2004  firent don à la BCU de quelques 30.000 livres anciens en leur possession. Ce travail de présentation et d’analyse fit l’objet d’une publication, bilingue elle aussi, intitulée : « Territoires de la Mémoire. La bibliothèque des Capucins fribourgeois », parue en 2021 aux Presses littéraires de Fribourg. Simone de Reyff en fut la préfacière. On ne s’étonnera donc pas de voir réapparaître son nom avec celui d’autres contributeurs et contributrices dans les lignes du remarquable catalogue élaboré en vue de l’exposition de 2023. Sous sa houlette, nous avons visité au musée de Bulle les archives des bibliothèques des Capucins du Vieux Pays de Fribourg. Une double ouverture : historique et spirituelle.

Les Jésuites et les Capucins débarquent à Fribourg avec la mission de contrecarrer la réforme protestante en vogue dans la Confédération helvétique. Ils répondaient à l’appel des autorités cherchant des auxiliaires résolus à ne pas se laisser impressionner et contaminer par la nouvelle foi de leurs puissants voisins  bernois. Surtout à ne pas voir fondre leurs sources de revenus issus du servie mercenaire étranger auquel s’opposait Zwingli, le réformateur de Zurich. Le haut clergé local appuyait cette initiative gouvernementale, craignant de perdre à son tour ses privilèges et avantages si chèrement acquis à la cour de Rome, cordialement détestée par les amis de Luther, Calvin et Zwingli. Une profession publique de l’ancienne foi devait signifier et certifier la soumission populaire aux décisions de leurs « seigneureries ».

Les premiers Capucins arrivés à Fribourg ne devaient pas trop s’engager dans ce projet plus politique que religieux. Ils se résignèrent cependant dans un premier temps à collaborer à la politique religieuse de contre-réforme, plus soucieuse de défendre les intérêts de la bourgeoisie locale que de promouvoir l’authentique réforme ecclésiale que toute la chrétienté attendait, y compris les Capucins. Il faudra le Concile de Trente pour vraiment les mettre à la tâche à Fribourg.

Si la première exposition mettait en vedettes les premiers arrivés, humanistes imprégnés de science naturelle, d’astronomie, d’histoire et même de médecine, les œuvres exposés au Musée de Bulle, provenant de ceux qui les suivirent, avaient une note plus religieuse et même un accent prosélyte et apologétique. A Fribourg, la contre-réforme, après avoir été politique, devenait religieuse. Et les Capucins prirent une large part à ce tournant. C’est le grand mérite de l’exposition bulloise que de nous le faire découvrir.

Et maintenant ? Que sont devenus les Capucins fribourgeois ? Pendant des siècles, à travers vents et marées, ils furent les évangélisateurs des campagnes et du petit peuple. Invités de toutes les paroisses, on les retrouvait à chaque première communion, aux grandes-missions et aux retraites. Ils ne manquaient aucune festivité du terroir, fut-elle civile ou religieuse.

La plupart étaient de des hommes de « chez nous », s’appelaient Callixte, Vital ou Anastase. Leur capuchon était une mine aux images saintes que nous échangions pendant leur sermon. Fils de la terre, ils parcouraient les flancs du Mt Gibloux, munis de « béni » pour guérir le bétail. Et si cette médecine ne suffisait pas, ils réveillaient leur charisme d’exorciste. Ils allaient à pied, à moins qu’un bus des Entreprises officielles ne les recueillît par charité jusqu'à la prochaine auberge qui leur servait pour le même prix une assiette de soupe et une tranche de pain. Ils avaient une singulière façon de manifester leur reconnaissance aux autorités qui les abritaient gratuitement : leur offrir en plein carême un repas d’escargots (la viande du pauvre) apprêtés par leurs soins.

L’Exposition bulloise atteste par la somme de documents d’origine diverse (catéchismes, recueils de cantiques, instruments de piété, etc) ce que fut cette mission intense conforme au catholicisme tridentin. On y trouve même l’un des instrument préférés de nos Capucins : un vieux confessionnal de bois promis à la casse.

L’ensemble ne paraîtra saisissant qu’aux Fribourgeois n’ayant pas encore atteint leurs quatre-vingts ans. Un séisme a passé sur l’Eglise. Le concile de Trente fut une de ses multiples réformes. D’autres lui succèdent, sans mettre en jeu l’éternité de la Parole de Dieu. Mais ceci est un autre débat qui pourrait donner lieu à une autre exposition.

Simone de Reyff au Musée gruyérien (photo : la rédaction)

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