Fête-Dieu à Fribourg

J’avais prévu de me rendre aujourd’hui à Fribourg prendre part à la Fête-Dieu. La canicule me tient assiégé dans ma « cellule » genevoise. Mais – ô surprise ! – une télévision locale transmet en direct la messe de ce jour célébrée dans la cour du Collège St-Michel. Elle sera suivie de la procession qui fait halte au kiosque de la Place Georges-Python, transformé pour la circonstance en « reposoir », avant de dévaler la Route des Alpes pour s’engouffrer dans la cathédrale. Ma participation ne fut que virtuelle mais intense, tout au cours de ces 160 minutes de visionnement continu.

Curieusement, s’évaporent mes lointains souvenirs de Fête-Dieu en culottes courtes ou en uniforme collégien, pour laisser place à un spectacle où la ferveur a pris le pas sur le folklore politique et religieux. Moins de cornettes, évanouis les bures et frocs des capucins, des cordeliers et autres dominicains. Mais la foi se perçoit et fleurit sous les sourires des premiers communiants, dans les propos de l’évêque et l’éclat sous le soleil d’hallebardes inoffensives portées par un peloton de gardes-suisse qui plastronnent innocemment. Et tout le bon peuple de Dieu qui défile derrière le dais, priant et chantant, peu enclin de marcher au pas des fanfares qui rythment la procession.

Je n’ai pas entendu pétarader les canons vétustes hissés à cette occasion sur la colline de Lorette. Cela est-il dû à ma surdité précoce ? Quelqu’un me rassure. Cette année, pas de coups de canon pour ne pas raviver l’effroi des réfugiés ukrainiens présents dans la ville. Depuis des années déjà, pas de mobilisation de recrues portant mousqueton ou kalachnikov. Le « roi pacifique » fait sa joyeuse entrée sans escorte meurtrière et les grands de ce monde qui autrefois le craignaient lui serrent la main en toute confiance. La mine réjouie, le Président du gouvernement fribourgeois a pris part à la messe et à la procession. Sa présence atteste de la bonne santé des relations entre terre et ciel en pays de Fribourg.

Est-ce bien la vérité ? En prêtant attention aux intentions de prière qui scandent la cérémonie, je me dis que le Ciel a encore fort à faire sur les bords de la Sarine. Et ailleurs donc ? Quelques mots prononcés en ukrainien lui suggèrent de reprendre du service du coté du Dniepr et du Donbass.

Note :

Pour raviver ma nostalgie, j’ai déterré dans notre bibliothèque deux beaux livres d’images et de réflexions sur l’événement dont je parle :

- Claude Macherel et Jean Steinauer : « L'état de Ciel. Portrait de ville avec rite. La Fête-Dieu de Fribourg (Suisse) », Iconographie : Gérard Bourgarel, édition Méandre, Fribourg 1989.

- Johann et Jean Mülhauser, Jean-Claude Gadmer ; « Dieu en fête. Regards sur la procession de la Fête-Dieu à Fribourg », éditions Regards Fribourg et éditions de la Sarine, Fribourg 2009.