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Le Fils de l’Homme doux comme une figue

  • Fr. Guy

Homélie pour le premier anniversaire de la mort du frère Bernard Bonvin

A Genève, Bernard cultivait avec un soin jaloux un plant de figuier dans son jardin de curé. Et il n’était pas peu fier de nous en faire partager les fruits.

Ah les figues ! « Fruit généreux et secourable par excellence », écrit notre frère Christophe Boureux, l’expert jardinier du couvent de La Tourette sur les Monts du Lyonnais.

Une renommée biblique aussi pour la figue et l’arbre qui la porte. Le prophète Isaïe, médecin à ses heures, recommandait à son roi qui souffrait de tumeurs de se faire appliquer un emplâtre de galettes de figues

Vivre sous le figuier signifiait alors vivre heureux, en paix, sans problèmes graves.

Mieux encore. Le figuier en est venu à symboliser la Bible elle-même. Plus précisément, la recherche de Dieu à la lumière des Ecritures, Lisez bien et vous trouverez sous les versets les plus obscurs de quoi calmer votre faim spirituelle. Comme on finit par découvrir une figue solitaire sous l’épais et sombre feuillage qui la dissimile. Nathanaël, le futur disciple qui faisait sa sieste sous un figuier, en sait quelque chose. A force de ruminer sa Bible, il découvre la bonne adresse où se cache le Messie.

Mais j’en viens à l’évangile de ce jour. Le figuier est le signe de la venue du Fils de l’Homme. Quand ses branches deviennent tendres et que ses feuilles reverdissent, autrement dit, quand arrive l’été, Jésus se tient à nos portes. Et, avec lui, la fin de nos tourments. Après une longue absence qui nous a laissés désemparés, le Seigneur revient avec la douceur des figues. Après un dur hiver, voici le printemps.

Inutile de préciser et de nommer ces tourments qui sont à l’origine de nos détresses et de nos angoisses. Nous ne les connaissons que trop. Ces malheurs peuvent être cosmiques comme nous y habitue le dérèglement climatique, ou sociaux quand on fait la somme des guerres et des famines, ou, hélas, ces derniers temps, ecclésiaux.

Inutile aussi de dater ces événements ou de les programmer. Ils sont de toutes les époques. Ils reflètent les peurs et les angoisses universelles. Il suffit d’ouvrez les yeux pour s’en apercevoir.

Mais, quand les bras nous tombent, le Seigneur se tient à notre porte, généreux et secourable comme une figue. Y croyez-vous ? Y croyons-nous encore ? Derrière le mal le plus atroce se cache un bien inattendu. L’espérance renaît de l’inespérable.

Mais, le Fils de l’homme trouvera-t-il à son retour la foi sur notre pauvre terre ? Ceux qui souffrent le reconnaîtront-ils ? Ou se seront-ils mis à l’écoute de charlatans et de bonimenteurs, cherchant à apaise leur soif en puisant à des citernes fissurées qui ne tiennent pas l’eau ?

Revenons à notre cher Bernard qui était prêtre comme chacun le sait. Quand je lis les deux lectures bibliques qui accompagnent l’évangile de ce dimanche, j’en déduis que de nos jours nous avons davantage besoin de prophètes que de prêtres.

A dire vrai, nous n’avons qu’un seul prêtre qui est à la fois le sacrificateur et la victime. Ce prêtre qui offre sa vie sur la croix est le seul à pouvoir nous sauver et nous sanctifier. Les autres prêtres à la mode de Bernard ou à la mienne ne sont là que pour faire mémoire de cet unique sacrifice et non pour le remplacer par le leur. Leur mission est de rendre présente, actuelle cette offrande. Leur prestige ou leur charisme personnels n’ajoutent donc rien à sa valeur. Ils ne font que rappeler à ceux qui veulent bien tendre l’oreille : Il est grand le mystère de la foi.

Le prêtre n’est donc qu’un serviteur parmi d’autres serviteurs de l’Eglise, tout aussi éminents et nécessaires que lui. Serviteur quelconque, selon la lettre des évangiles, appelé à tenir un rôle précis qui répond aux besoins précis d’une communauté précise elle aussi. La prêtrise est la cerise sur le gâteau, me rappelait mon père-maître la veille de mon ordination sacerdotale. Et dans sa tête et sur ses lèvres, ces mots n’étaient pas qu’une boutade. Alors, si la prêtrise est une cerise, à quoi ressemble le gâteau ?

Je pense que le gâteau est la « prophétie », l’annonce sous toutes ses formes de la présence de Dieu dans notre vallée de larmes. C’est l’audace et la perspicacité du prophète que de faire découvrir quelques figues mûres sous l’épaisseur et l’obscurité du feuillage. De faire apparaître la vie dans un décor de mort. De parler d’un Dieu qui sauve quand plus personne n’y croit.

Un prophète comme Dominique, que l’on représente le plus souvent - pensez à Fra Angelico - en prière et en prédication plutôt qu’en célébrant. Un prophète ou une prophétesse dont le sourire et la paix intérieure sont à eux seuls l’annonce d’un bonheur qui vient. Un prophète, comme frère Bernard, qui dans un de ses derniers livres parlait de l’été de la Saint-Martin, alors que l’hiver l’étreignait.

Oserais-je pour conclure appliquer à ces prophètes modernes et contemporains, vivants ou décédés, ce qu’un prophète de jadis - Daniel - disait des élus de Dieu. Ces hommes et ces femmes, mus par l’Esprit, avaient passé leur vie à rendre justes et éclairées les multitudes au milieu desquelles ils se trouvaient. « Après leur mort et leur résurrection, ils brilleront comme les étoiles au firmament ». Une étoile ne brille que dans la nuit, au sein des ténèbres qui l’entourent. Elle suffit à nous faire pressentir que le jour n’est pas loin et que l’aurore pointe à l’horizon.

Que Dieu me garde de ne canoniser personne avant l’heure. Il me suffit de me savoir porté par des prophètes-témoins, assis à califourchon sur leurs épaules, comme un nain sur celles d’un géant. Ils avancent quand mes pieds fléchissent et me montrent un chemin que sans eux je ne saurais prendre.

***

Eglise des moniales dominicaines d’Estavayer-le-Lac
Dimanche, 14 novembre 2021

Textes bibliques de référence :
Daniel 12, 1-3  –   Hébreux 10, 11-14  –  Marc 13, 24-32

(image : publicdomainpictures.net)

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