Blog

Henri, Jean et Xavier

  • Fr. Guy

Une troïka dominicaine franco-brésilienne

Trois frères dominicains, trois amis. Deux déjà parvenus au terme du voyage ; le troisième toujours sur la brèche, là où se confrontent justice de Dieu et violence des hommes.

Les deux premiers, Henri Burin des Roziers (1930-2017) et Jean Raguénès (1933-2013) furent à Paris aumôniers du Centre Saint-Yves de la Rue d’Assas qui accueillait les étudiants pourchassés par les CRS lors de ce drôle de printemps de l’an 68. Le troisième, Xavier Plassat (1950) avait 18 ans au moment de ces affrontements et fréquentait une autre aumônerie. Ce n’est que plus tard qu’il fit connaissance des deux premiers quand Henri devint son inspirateur et son conseiller. C’est le Brésil qui les fit se rencontrer. En 1978, Henri avait rejoint ce sous-continent et mettait à profit ses compétences juridiques au service de la Commission Pastorale de la Terre. Xavier le rejoindra en 1989, puis Jean en 1994. Chacun à sa place et selon son charisme se consacra à la défense des paysans brésiliens dépouillés de leurs terres et combattit l’esclavage encore en vigueur dans les zones rurales de ce pays. Le plus souvent, au risque de sa vie.

Ils ne seraient pas partis au Brésil si une rupture et un choc n’avaient pas précédé et motivé ce choix. Pour Henri et Jean, ce furent leurs engagements sociaux chez LIP à Besançon après mai 68 et pour Xavier le suicide en 1974 du frère Tito de Alencar, dominicain brésilien torturé sous la dictature des colonels, puis expulsé en France.

L’heure est venue de faire connaître cette épopée aux jeunes générations dominicaines. Jean Raguénès prit les devants et revisita ses engagements sociaux et syndicaux chez LIP et chez Peugeot de 1970 à 1985. Suivit pour lui une période érémitique à Besançon et une autre cénobitique au couvent de Strasbourg avant son départ pour le Brésil en 1994. Il confia ses mémoires aux Editions Karthala qui les publièrent en 2008 sous le titre : « De mai 68 à LIP. Un dominicain au cœur des luttes ». Un ouvrage préfacé – faut-il s’en étonner ? –  par Henri Burin des Roziers, son frère et son compagnon de lutte.

Henri lui-même a déjà eu droit à deux publications et une troisième est en cours d’écriture. L’Initiative en revint à ses anciens amis et compagnons de Haute-Savoie. Après avoir partagé quelques mois l’expérience de Jean chez LIP à Besançon, Henri est recruté en 1971 à Annecy comme enquêteur social à la DASS (Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales), un travail compatible avec sa formation de juriste. Il arrive à Annecy en juin 1971 et en repart pour le Brésil en 1978. Sept années passées au milieu d’un groupe d’amis militants hauts-savoyards dont il fut l’épicentre.

Précisément, ce sont ces amis, du moins les survivants du groupe, qui sous la conduite de Claude Billot, l’un d’entre eux, et de l’historienne Sabine Rousseau ont rassemblé les documents et témoignages des diverses interventions de la « Commission Vérité et Justice » animée par Henri et ses compagnons. Ces luttes sociales locales, relatées dans le détail et passés au crible de l’historienne firent l’objet d’une « somme » de 250 pages qui vient de paraître sous le titre : Henri Burin des Roziers. Sur les fronts de l’injustice. Militer après 68 en Haute-Savoie, aux Editions Arbre Bleu.

Un an avant sa mort, alors qu’Henri avait regagné St-Jacques, son vieux couvent parisien, la même historienne l’avait interviewé et publié le contenu de ses entretiens dans le livre : « Henri Burin des Roziers. Comme une rage de Justice. Entretiens avec Sabine Rousseau », paru aux Editions du Cerf en 2016. Et maintenant, c’est une biographie d’Henri qui est en chantier. Elle nous permettra de nouer la gerbe de toutes les facettes de cette vie hors du commun. Puissions-nous ne pas trop languir avant de la lire !

A ma connaissance, le cadet de cette troïka dominicaine et brésilienne n’a pas encore eu les honneurs d’une publication qui lui est dédiée. Même s’il est engagé depuis plus de trente ans au Brésil pour combattre l’esclavage moderne. Xavier Plassat n’a sans doute pas encore achevé son combat. Mentionnons cependant un article récent que le quotidien La Croix lui consacre le 21 juillet 2020 dans sa série « Les grandes rencontres ».

J’écris cette note le jour de la fête de saint Dominique et en son honneur. Ces trois frères dominicains n’ont pas démérité de leur Père. Comme autrefois Las Casas, Pedro de Cordoba, Antonio de Montesinos et, plus proche de nous en Algérie, Pierre Claverie. Les oublier ou les ignorer serait un drame pour notre Ordre.

Un détail de « Abraham recevant les trois anges » de Bartolomé Esteban Murillo, 1667, du Musée des beaux-arts du Canada (Wikipédia)

Retour

Commentaires

×

Veuillez renseigner ce champ.

Veuillez renseigner un nom valide.

Veuillez renseigner ce champ.

Veuillez renseigner une adresse email valide.

Veuillez renseigner ce champ.

Google Captcha Is Required!

Vous avez atteint la limite de commentaires !

* Ces champs sont requis.

Soyez le premier à commenter