Blog

Jacqueline et François

  • Fr. Guy

Une amitié spirituelle genevoise

Je présentais dans ma dernière vidéo le vitrail de notre église St-Paul consacré à « Monsieur de Genève ». Le quatrième centenaire de la mort de François de Sales, commémoré cette année, valait bien ce clin d’œil et ce détour.

Un détail du vitrail réalisé il y a plus d’un siècle m’avait frappé. L’artiste représentait un prélat – il n’était pas encore évêque à cette époque – donnant subrepticement la communion à une jeune soubrette de Genève dont l’histoire a retenu le nom : Anne Jacqueline Coste. Ce prêtre, alors prévôt du chapitre cathédral, ne pouvait être que le futur évêque de Genève, consacré à Thorens en Savoie en 1602 – l’année même de l’escalade – là où il fut baptisé, là aussi où les de Sales avaient leur château.

Je voulais en savoir davantage sur cette chère Jacqueline. Une amie a récemment fouillé à Paris quelques archives salésiennes. En voici les résultats.

Auxiliaire de son évêque, le prévôt était chargé de ramener à la foi catholique les habitants du Chablais que les Bernois alliés aux calvinistes de l’ancienne cité épiscopale avaient convertis à la foi nouvelle. Le tact, la délicatesse et le respect manifestés par François dans cette tâche très difficile étaient largement connus dans la région. Beaucoup de catholiques souhaitaient rencontrer ce prêtre exceptionnel et même se confesser à lui. C’était le cas de notre Jacqueline.

Elle est née dans le haut pays de Savoie, fut bergère et ne fréquenta guère les écoles. Comme une savoyarde frontalière de notre temps, elle débarque un jour à Genève et sert à « L’Ecu de France », une auberge de la ville. Sa foi simple et authentique est centrée sur l’eucharistie. Ses patrons, bien que calvinistes, consentent à ce qu’elle se rende avec une ou deux amies entendre la messe dominicale dans un village voisin de Genève où elle est encore célébrée. C’est à « L’Ecu de France » qu’elle rencontre François.

Les sources consultées parlent de multiples passages incognito ou clandestinsde François, prévôt ou évêque, à Genève, même si les calvinistes purs et durs le détestent pour des motifs évidents. On rapporte cependant avec détail son entretien discret avec Théodore de Bèze, successeur de Calvin. Ce fut une discussion théologique sur le salut obtenu par les œuvres ou par la foi. Le débat fut extrêmement courtois entre ces deux humanistes finement lettrés, mais sans déboucher pour autant sur une déclaration commune. Le vitrail de St-Paul évoque aussi cette rencontre. Premier pas œcuménique ?

Il va sans dire que les rencontres entre François et Jacqueline avaient un autre style. De passage à « L’Ecu de France », le prélat ne pouvait y célébrer la messe. Mais il avait dans l’une de ses poches une custode contenant quelques hosties destinées aux malades visités sur son chemin. Un jour, ce fut Jacqueline qui en bénéficia dans un recoin de son auberge, à genoux entre son balai et son plateau de service.

Ayant appris le projet de François de fondation à Annecy un monastère dirigé par la Baronne de Chantal, Jacqueline n’eut de cesse de solliciter son admission. D’extraction modeste et illettrée, elle accepta avec joie le poste de sœur-tourière, heureuse de servir ses sœurs cloîtrées avec un empressement qui parfois manquait de retenue. Fille dévote de François, celui-ci dut la ramener à quelques reprises à un exercice plus modéré de ses mortifications pénitentielles. Elle rendit sa belle âme à Dieu à la Visitation d’Annecy au cours de la troisième décennie du 17ème siècle.

Dans un vitrail de l'église St-Paul à Cologny, Saint François de Sales donne la communion à Anne Jacqueline Coste (photo : la rédaction)

Retour

Commentaires

×

Veuillez renseigner ce champ.

Veuillez renseigner un nom valide.

Veuillez renseigner ce champ.

Veuillez renseigner une adresse email valide.

Veuillez renseigner ce champ.

Google Captcha Is Required!

Vous avez atteint la limite de commentaires !

* Ces champs sont requis.

Soyez le premier à commenter