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La grande épreuve

  • Fr. Guy

Un roman qui n’est pas une fiction

Etienne de Montety : La grande épreuve, Éditions Stock, 2020, 301 p.

« L’un des anciens prit alors la parole et me dit : Ces gens vêtus de robe blanche, qui sont-ils et d’où sont-ils venus ? Je lui réponds : Mon Seigneur, tu le sais !  Il me dit : Ils viennent de la grande épreuve. Ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’agneau. »  Apocalypse 7, 13-14

Ces deux versets de l’Apocalypse m’ont permis de situer le contexte de ce « roman » qui évoque des faits contemporains dont le nom des acteurs est à peine travesti. Pas plus que les lieux où ils sont censés s’être déroulés. L’intrigue se dénoue dans les dernières pages qui relatent la mort « sacrificielle » du Père Jacques Hamel, poignardé dans une église de Rouen le 26 juillet 2016 par deux jeunes musulmans fanatisés par les émissaires locaux de Daesh. C’est d’abord ce prêtre qui traverse « La grande épreuve », titre du livre d’Etienne de Montety, paru cette année 2020 aux éditions Stock. Trois cents pages de la plume d’un journaliste et écrivain, directeur du Figaro Littéraire. La dernière s’achève par une doxologie en l’honneur de l’Agneau de Dieu.

 

En fait, tous les protagonistes de ce drame passent à travers l’épreuve, versant leur sang ou leurs larmes, sans que tous ne blanchissent pour autant leurs robes dans le sang de l’Agneau. Au service de cette démonstration, le romancier met en scène cinq personnages qui pourraient symboliser la société française de ce temps. Ils se retrouvent tous impliqués dans le dernier acte de cette tragédie, après avoir parcouru des itinéraires bien particuliers.

Il y a David qui devient Daoud, adopté par un couple de la bonne bourgeoisie française, pris au piège tendu par des islamistes radicaux le jour où il découvre ses racines algériennes. Son âme damnée est le jeune Hicham, fils de travailleurs immigrés algériens, récupéré lui aussi pour exécuter les ordres meurtriers du califat. Puis Georges, qui dans le roman tient le rôle de Jacques, un prêtre « conciliaire », curé de paroisse seul et fatigué et obtient de son évêque la grâce de revivre son sacerdoce en devenant aumônier d’un centre de soins palliatifs. Le quatrième personnage est une Petite Sœur de Jésus qui veut vivre l’enfouissement et la fraternité universelle à l’exemple de Charles de Foucauld. D’abord dans un township de Soweto, puis dans une « cité » de son pays natal. Elle partage avec ses résidents toute la proximité possible, mais aussi l’insécurité et la violence. Elle aussi, selon le roman, sera immolée au matin de ce funeste 26 juillet, sa mort marquant l’échec de son rêve de fraternité sans frontière. Enfin, le sympathique Frédéric, d’ascendance « boot people », policier de son état et qui n’en revient pas que l’on puisse au XXIème siècle mourir pour une idée. A la rigueur pour Audrey, son inséparable compagne.

Certains trouveront ce scenario caricatural, franco-français à l’excès et même réducteur. Un seul objet semble préoccuper l’auteur : la cohabitation des Français de souche, assurément inédite, avec l’islam, maghrébin de surcroît. Est-ce « la grande épreuve » que la société française doit aujourd’hui traverser ? Avec du sang versé par les uns et par les autres pour des motivations bien différentes ? Peut-on encore rêver d’accueil mutuel ? Les pôles sont-ils si opposés pour interdire désormais toute cohabitation ?

 Je ne crois pas que le séparatisme ou le communautarisme soit la solution proposée par l’auteur. Il souligne avec bonheur la présence de musulmans lors des obsèques du Père Jacques, devenu Georges dans son roman. Surtout, sa référence à l’Apocalypse donne du prix à ceux qui meurent comme l’Agneau, victimes innocentes, portant sur leurs frêles épaules le « péché » de ceux qui les tuent.

Je pense qu’il faut lire ce livre dans cette perspective spirituelle. Sur sa croix, Jésus invoquait le pardon de son Père pour ses bourreaux qui ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Le sacrifice volontaire débouche sur une espérance de paix et de réconciliation. Mais qui peut comprendre ce langage si peu politiquement correct ?

© Éditions Stock

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