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La mission chrétienne et son histoire

  • Fr. Guy

Quarante ans de recherches

40 ans de recherches sur la mission chrétienne par le CREDIC, éditions Karthala, Paris 2020, 140 pages.

Je crains que cet ouvrage ne puisse intéresser que quelques rares initiés. Et tout d’abord les membres actuels – dont l’auteur de ces lignes – du « Centre de Recherche et d’Echanges sur la Diffusion et l’Inculturation du Christianisme » (Crédic). Une association toujours vivante qui a vu le jour en 1979 et mérite donc une célébration particulière à l’occasion de son quarantième anniversaire. C’est l’intention de cette plaquette.

Elle a été rédigée si ce n’est par les fondateurs, mais par un groupe d’hommes et de femmes qui en furent les témoins et choisis en vertu de leur fidélité au Crédic dont ils ou elles sont encore les chevilles-ouvrières. Je veux parler des professeurs Bernadette Truchet, Claude Prudhomme, Marc Spindler, Jean-François Zorn, Jean Pirotte et Annie Lenoble-Bart, toutes et tous chercheurs universitaires intéressés par l’histoire de la mission.

Leur rassembleur et initiateur fut Jacques Gadille (1927-2013), professeur d’histoire à l’université Lyon III, désireux de faire sortir l’histoire des missions de l’hagiographie où elle se réfugiait. Il en fit une véritable discipline universitaire, œcuménique et internationale. De plus, elle devrait allier à la description du fait brut missionnaire l’écho perçu et renvoyé par les récepteurs non chrétiens (ou chrétiens) de la présence chez eux de missionnaires occidentaux. La recherche en acculturation s’ajoute donc en la complétant à celle plus immédiate de la diffusion de la pensée chrétienne.

On ne s’étonnera pas que la ville de Lyon fut le foyer de cette initiative. Ville missionnaire où Pauline Jaricot fonda « Les Œuvres Pontificales Missionnaires » qui tinrent leur siège à Lyon jusque dans le premier quart du siècle dernier. Ajoutons la colline de Fourvière cernée de centres et d’instituts religieux, les Facultés catholiques, la Société des Missions Etrangères de Lyon etc. Jacques Gadille cependant ne voulut pas que son œuvre fut une affaire catholique provinciale. Il sut lui donner une ouverture internationale grâce à Marc Spindler, œcuménique en travaillant de très près avec l’AFOM «  Association Francophone Œcuménique de Missiologie » davantage vouée à la recherche théologique qu’à l’histoire. Surtout une ouverture à de jeunes chercheurs universitaires venus de partout, sans référence particulière à une idéologie religieuse.

Sur ce dernier point force est de constater non pas une dérive mais une orientation nettement laïque ou sécularisée. Un exemple suffira. Dans leurs débuts, le programme des colloques du Crédic impliquaient un moment de recueillement, Oublié de nos jours. Autre exemple plus significatif : les auteurs de la plaquette en question rédigent un bref panégyrique de quatre pionniers du Crédic aujourd’hui décédés. Deux furent prêtres diocésains, le troisième passa de longues années actif en territoire de mission et le dernier est le dominicain français, le frère René Luneau dont ce site a déjà parlé. Au départ donc, des hommes et des femmes qui n’étaient pas que des historiens de la mission, mais des praticiens de la mission ou alors des hommes et femmes, laïcs ou non, engagés dans leur foi.

Le Crédic écoutait aussi autrefois les témoignages oraux des missionnaires encore vivants. Je faisais partie de ce groupe, heureux de relire mon expérience auprès de jeunes chercheurs qui pouvaient me donner précisément quelques clefs pour le faire. La disparition de ces témoins, comme celle des missiologues ou théologiens de la mission, risque d’appauvrir désormais les débats du Crédic, ramenant la mission à une série d’épiphénomènes scientifiquement constatables, sans que ne soit prise en compte la motivation du missionnaire, la seule, à mon avis, qui puisse en donner le sens.

La mission a pris aussi une nouvelle tournure de nos jours. Les missionnaires européens en partance pour les quatre autres continents ont disparu avec le clergé traditionnel de leur continent. Des femmes et des hommes provenant de territoires autrefois « missionnés » par les Occidentaux tentent de les relever ici et chez eux. Que signifie cette inversion des rôles et des charges ? Ici et là-bas ? Peut-on encore parler de mission dans le contexte européen ou plutôt d’Eglise en profonde mutation ? Quels beaux thèmes de réflexion pour les quarante prochaines années du Crédic ? A moins qu’il ne se limite – et se dessèche – à analyser et décrypter des faits surannés, sans aucun intérêt pour la mission d’aujourd’hui. Ce qui n’était certainement pas la visée de ses fondateurs.

Le Crédic est connu par ses colloques de 3 à 4 jours regroupant ses membres, auxquels s’ajoutent selon le thème débattu des personnes amies ou intéressées. Ses responsables ont à cœur de choisir chaque fois un autre lieu de rencontre en Europe occidentale et même au Canada et confient à un comité scientifique l’élaboration du thème et le choix des intervenants,

Il n’est pas inutile de rappeler dans site que la première session du Crédic se tint à Fribourg, en Suisse, au Séminaire Marianum Regina Mundi les 23, 24 et 25 septembre 1980, à l’initiative de l’Institut de missiologie, représenté par les professeurs Richard Friedli et Anand Nayak.

38 publications ont retransmis les contributions des divers colloques et d’autres œuvres similaires, la plupart éditées chez Karthala à Paris. Une véritable somme missionnaire dont la source n’est pas prête à tarir.

Le prochain colloque, déjà programmé, devrait se tenir à Saint-Maurice en Valais, fin août de cette année 2021. Pour autant que le nuage viral qui pèse sur nos têtes aujourd’hui s’éloigne des rives alpestres de notre Rhône bien aimé.

© Éditions Karthala

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