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Le génocide rwandais revisité

  • Fr. Guy

Le métis écartelé

Beata Umubyeyi Mairesse : Tous tes enfants dispersés, Editions Autrement, 2019, 248 pages.

C’est le premier roman de cette auteure franco-rwandaise qui vit en France depuis 1994, année du génocide des Tutsis et des massacres qui ont accompagné cet amas d’horreurs et de souffrances indicibles. Beata Umubyeyi se présente comme une « rescapée » tutsie, née en 1979 à Butare dans le sud du Rwanda, comme Blanche, l’héroïne de son roman. Il est donc difficile de fixer dans cette œuvre une ligne nette de démarcation entre fiction et réalité.

Même si l’auteure ne fait profession d’aucune foi particulière, son livre porte tout de même ci et là la marque du catholicisme qui lui fut inculqué dans ses jeunes années et dont il lui reste aujourd’hui quelques souvenirs et peut-être davantage. D’abord, le titre de son ouvrage, une référence explicite à une supplication du canon de la messe reprenant le vœu de Jésus de rassembler dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés.

 

Rétablir les liens dispersés et brisés par le génocide entre mère et fille et introduire dans cette chaîne reconstruite un enfant né « à l’étranger » qui se demande d’où il vient et qui il est, tel est, me semble-t-il, le propos de ce roman qui, à vrai dire, n’en est pas un.

Un autre indice vient corser l’intrigue. A moins qu’il ne reflète l’ambivalence ou l’ambiguïté de l’auteure désireuse de retrouver et reconstruire son « chez elle ». C’est la question du métissage biologique et culturel entre blancs et noirs, mais aussi entre afro-américains et africains continentaux. Des mentalités fort différentes forgées par un sentiment anticolonial d’un côté et la recherche illusoire de racines africaines de l’autre.  Le père de Blanche est français, sa mère rwandaise et son mari antillais. Mais elle fait confiance à son fils triplement métissé pour soulever avec délicatesse le couvercle d’une marmite toujours prête à exploser. Lui seul saura faire le lien entre ces éléments opposés, tout en faisant son miel de leur richesse.

Le rédacteur de ces lignes se permet d’ajouter que ce roman respecte à la lettre le cadre géographique et humain de cette ville de Butare où il vécut lui-même à l’époque. Ce livre lui a permis de faire une relecture sans complaisance d’une tranche de sa vie passée.  Il regrette toutefois que la romancière ne résiste pas à la tentation de s’approprier quelques clichés éculés et de donner son aval à des jugements hâtifs sur un contexte socio-politique qui est loin d’être clarifié.

Beata Umubyeyi est romancière et non historienne. Infiniment nuancée quand elle décrit et analyse des situations familiales, mais beaucoup moins quand elle se prononce sur des questions qui relèvent de la « realpolitik ».

Son style et la maîtrise de sa plume la rachètent. Elle a bien mérité le prix que la critique vient de lui octroyer.

© Éditions Autrement

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