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Le pape et l’empereur BD

  • Fr. Guy

Pie VII et Napoléon

J’ai amplement dépassé l’âge légal (?) qui autorise les humains à lire Tintin. De sept à soixante-dix-sept ans, dit-on. Par contre, personne ne m’interdit d’apprécier une BD consacrée à un pape. Car, figurez-vous, il en existe et même d’excellentes. Depuis un an ou deux, les éditions Glénat et Cerf ont flairé ce filon et l’exploitent avec succès. Pour le plaisir des enfants et des aînés qui leur ressemblent. Déjà sept albums parus, chacun confié à un dessinateur talentueux, à un scénariste bien informé, et, pour conclure, un dossier établi par un historien reconnu.

La série voudrait couvrir deux millénaires de papauté, repérant chaque siècle un pontife qui a défrayé la chronique de son temps et dont on parle encore aujourd’hui. L’apôtre Pierre, bien entendu, est le premier de la liste, suivi par Léon le Grand qui sauva la ville de Rome des sbires d’Attila, mais encore Urbain II qui prêcha la croisade contre les Sarrasins, Innocent III qui fit de même contre les Albigeois, Clément V qui sacrifia les Templiers, etc. Il en est de moins belliqueux, tels Pie XII ou Jean XXIII, ou encore le moine Barnaba Gregorio Chiaramonti (1742-1823) qui devenu pape se fit appeler Pie VII et résista avec une douce opiniâtreté à un certain caporal corse qui se prenait pour Charlemagne.

J’ai fixé mon attention sur Pie VII. Non seulement parce que sa biographie est l’une des dernières parues en BD dans la collection « Un pape dans l’histoire », mais aussi parce qu’un historien contemporain s’intéresse à ce pontife. Plus exactement, au conflit qui l’opposait à Napoléon. Je veux parler de Jean-Marc Ticchi : « Pie VII vainqueur de Napoléon », un ouvrage de 382 pages, paru cette année 2022 chez l’éditeur Perrin.

Ce n’est pas le rôle dévolu à cette recension de relater par le menu toutes les péripéties de ce conflit. Mentionnons simplement que la première fois dans l’histoire un pape s’est vu dépouillé de tous ses pouvoirs et attributs temporels, soumis à une éprouvante captivité, contraint de présider un sacre impérial où il est publiquement humilié, signe un concordat auquel le despote ajoute des « articles organiques » qui font de lui un abbé de cour totalement inféodé au souverain. Au milieu de tant d’avanies et de mépris, Pie VII se révèle un résistant d’exception et garde sa dignité.

Ce pontificat, même livré aux « facéties » d’une BD, a une résonnance étonnement moderne. C’est au moment où il perd tout pouvoir apparent que Pie VII gagne en popularité. Même les sujets de l’empereur l’acclament et lui font cortège. Ils décèlent dans ce prisonnier bafoué une force dont l’origine leur échappe et pressentent un monde différent vers lequel ils aspirent secrètement, sans trop savoir comment le nommer. Quant à Pie VII, il revit dans son esprit et dans sa chair l’expérience de Paul, mort lui aussi dans la ville de Rome : « C’est quand je suis faible que je suis fort…Ma force se déploie dans ma faiblesse ».

La confrontation entre dénuement et puissance – certains diraient entre spirituel et temporel – ne tourne pas forcément à l’avantage du plus fort. L’histoire de ce pape rappelle cette leçon. Elle est encore pleine de sens aujourd’hui. Même pour ceux qui ne s’en rendent compte qu’à travers les bulles et les dessins d’une BD.

© Glénat Editions/Éditions du Cerf

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