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Le pape qui ne souriait jamais

  • Fr. Guy

Pie V

Le pape saint Pie V (1504 – 1572), fêté précisément ce 30 avril, n’aurait pas autrement attiré mon attention si je n’avais pas lu la biographie que le frère Philippe Verdin lui a consacrée : « Saint Pie V. Le pape intempestif », Cerf 2018.

Au départ, ce pontife, bien que dominicain, n’avait rien pour me plaire, tant sa réputation d’inquisiteur me révulsait. On lui doit d’avoir enfermé les Juifs de Rome dans un ghetto et condamné au bûcher – pour l’exemple ! – un ou deux couples homosexuels. Etait-ce la meilleure façon de faire triompher les bonnes mœurs et prêcher la saine doctrine ?

Mais Philippe Verdin aime provoquer. Il prend donc le parti de nous faire estimer – je ne dis pas admirer – ce qui à priori ne l’était guère. En effet, ce pape « intempestif » parait décalé de son siècle. En particulier d’une romanité encore empreinte des fastes d’une renaissance à l’italienne, à la fois humaniste et libertine. Petit moine de province, Pie V avait gardé les mœurs de son enfance. Austère comme un ermite du désert, jamais un sourire sur son visage décharné, éternel silencieux, sauf quand il égrenait son rosaire. Surtout, pas diplomate pour deux sous, il allait son chemin tête baissée, ne faisant confiance qu’au Dieu de ses pères.

Loin d’être inculte ou stupide, il sut tout de même s’entourer de conseillers avertis pour mettre en œuvre les décrets du Concile de Trente. Charles Borromée et Philippe Neri, en dépit de leur style de vie si différent du sien, furent à ses côtés pour réaliser ce grand dessein.

Malicieusement, son biographe relève aussi l’incompétence et les maladresses de Pie V quand il s’agissait de traiter affaire avec les dames. En particulier avec l’ « ogresse » (Catherine de Médicis) et la « sorcière » (Elisabeth Tudor).

A vrai dire, Pie V ne s’entendait qu’avec une seule femme, la Vierge Marie, l’amirale céleste qui entraîna la déroute des galères turques au large de Lépante, le 7 octobre 1571. Fort de la victoire de sa championne, le pieux vieillard ne pouvait que fermer ses yeux de chair pour les ouvrir à nouveaux devant celle qu’il avait toujours aimée.

Quel intérêt de rappeler en notre temps cette histoire anachronique ? De nos jours encore, des chétiens se réclament du patronage de Pie V et de la messe tridentine. C’est oublier que ce pape ne fut jamais traditionnaliste au point de ne pas réformer ce que certains appellent « la messe de toujours ». Ce pape si peu conciliant ouvrit ainsi la voie à une autre réforme liturgique survenue quatre siècles après lui. Sous l’apparence rugueuse de ce pontife se cachaient un esprit novateur et une âme de feu. Selon Philippe Verdin, il nous manque.

Portrait du pape Pie V, Michele Ghislieri, 1576-1580. Wikipédia.

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