Blog

Le pasteur et l'évêque

  • Fr. Guy

Une réponse doublement inédite

Samuel Amédro et Jean-Paul Vesco. Le pasteur et l'évêque : Lettres pour faire tomber les murs, Labor et Fides, Genève 2023, 126 pages

Marion Muller-Colard, pasteure et directrice des Editions genevoises « Labor et Fides » eut la bonne idée de faire paraître l’échange de courrier entre deux responsables d’Eglises chrétiennes. Le pasteur Samuel Amédro est actuellement président du Conseil régional de la région parisienne de l’Eglise protestante unie de France. Jean-Paul Vesco, dominicain, après avoir été le deuxième successeur de Pierre Claverie à la tête de l’évêché d’Oran, est actuellement archevêque d’Alger. Les deux épistoliers ont ceci de commun qu’ils connaissent le Maghreb où leurs Eglises sont très minoritaires et peu tentées par des appétits de grandeur inconvenants.

Dans son avant-propos, l’éditrice cite cette parole évangélique : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ». Elle applique aux Eglises ce principe. Elles seront sauvées que si elles cessent de se regarder elles-mêmes. Leur salut vient d’ailleurs. D’où la nécessité d’un regard élargi qui n’est plus prisonnier d’une tradition étroite. Un ouvrage dont la lecture convient bien en cette période « œcuménique » que nous réserve chaque année la seconde partie de janvier.

Voici les thèmes et questions qui font l’objet des échanges entre les deux hommes d’Eglise :

L’Eglise est-elle en bonne santé ?
Ma sœur la maladie
S’émerveiller
Donner en vie
Faisons de la mission notre joie
Eglise et royaume
Puissions-nous répondre aux questions vitales
Quête de sens ou quête de repère ?
L’Eglise comme laboratoire
Faire advenir l’inouï
Devenir des enfants
Vivre son présent à partir de son futur
S’accorder pour servir

Quelques propos de notre frère Jean-Paul pour nous ouvrir l’appétit :

« Des propos tenus dans les interpellations adressées à votre Eglise, je peux tout signer, ou presque, tant j’ai l’impression de m’y reconnaître. J’aurais même aimé les écrire. Leur lecture a été pour moi une expérience œcuménique au sens le plus fort de ce mot : faire partie d’un écumène, littéralement d’habiter une même terre.

L’œcuménisme aux membres de mon Eglise avec les mêmes mots, sans en changer une virgule, ou presque.

Je ressens de l’intérieur, le feu, l’espérance, la rage peut-être qui vous animent. Je vis ces sentiments parce que je vous lis en pasteur, tenaillé lui aussi par ces mêmes sentiments. Sentir un évêque les partager serait une source d’encouragement et de réconfort, mais nous serions les mêmes attelés à la même charrue dans un même univers de références. Le vôtre est autre. Le même et autre. Et cela nous fait entrer dans une autre dimension, nous permet de penser plus grand, plus haut, plus grave notre conception de l’Eglise et de sa mission dans et pour le monde. Une évidence est là d’emblée : nous sommes vous et moi au service d’une même Eglise. (…) Vous dites : « Je rêve d’une Eglise qui ne se préoccupe pas de son devenir, mais de faire ce pourquoi elle est ». C’est ma résolution et ma prière de chaque jour (…), petit à petit je m’établis dans la confiance. J’ai moins peur pour demain.

Ce qui permet cette expérience de rencontre à laquelle nulle considération théologique ou magistérielle ne saurait faire obstacle, c’est que nous sommes portés par une même conviction qui touche au rapport de l’Église au monde. Comme vous le dites justement, nous, baptisés rassemblés en Église, « nous ne sommes pas en position de surplomb mais en situation de chercheurs de vérité, des compagnons au cœur de la société ». C’est la conversion à laquelle je nous sais fortement appelés en tant qu’Église catholique. Je découvre que vous ressentez la même urgence. Pardonnez-moi, ce n’est pas très glorieux … mais il est parfois lâchement rassurant de réaliser que l’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs ! Comment pourrait-il en être autrement dès lors que la conviction profonde qui sous-tend notre échange est que nous appartenons à une seule Église du Christ en ses différentes manifestations ? » (op. cit. p. 13-15)

Cette réponse d’un évêque catholique à un responsable de l’Église réformée est doublement inédite. D’abord par son contenu commun au deux hommes d’Église et par le fait qu’elle puisse exister de nos jours. C’est un appel commun à un œcuménisme pris dans toutes ses dimensions, non plus étroit et étriqué.

Une mosaïque dans l'église St-Paul, Cologny (photo : la rédaction)

Retour

Commentaires

×

Veuillez renseigner ce champ.

Veuillez renseigner un nom valide.

Veuillez renseigner ce champ.

Veuillez renseigner une adresse email valide.

Veuillez renseigner ce champ.

Google Captcha Is Required!

Vous avez atteint la limite de commentaires !

* Ces champs sont requis.

Soyez le premier à commenter