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Le réformateur

  • Fr. Guy

Un nouveau film suisse met en scène Ulrich Zwingli

Nouveau sur nos écrans, un film suisse alémanique met en scène Ulrich Zwingli. Occasion de célébrer le 500ème anniversaire de l’arrivée à Zurich du réformateur et du même coup le demi-millénaire des débuts de la Réformation dans la Confédération helvétique dont Zwingli fut le précurseur. Une aventure aux multiples rebondissements. Quelle image du réformateur ce film nous livre-t-il ?

Zwingli apparaît d’abord sous les traits d’un Henry Dunant médiéval, errant sur les rives désolées de la Limmat. Ce n’est pas Solferino, mais ça lui ressemble. Le spectacle est lugubre : des femmes et des enfants ignares, malades et affamés, la peste qui court les rues, des malandrins à chaque carrefour et ajoutez, pour noircir encore le tableau, des chanoines et des moines ventrus qui s’engraissent sur la misère du peuple. La coupe déborde, mais Ulrich arrive à temps voulu pour remettre toute chose à sa juste place. Post tenebras lux ! Le soleil après la nuit, à Zurich, comme à Genève !

 

Le film met donc en relier le côté « humanitaire » de son héros plutôt que le théologien disputant avec Luther de la transsubstantiation. Un point de vue qui convient sans doute beaucoup mieux à l’esprit de notre siècle, accoutumé — à Zurich, tout au moins — à faire de l’Eglise une institution sociale financée par les deniers publics. J’aurais préféré dans ce cas que le film fasse davantage allusion à l’aversion de Zwingli pour le service militaire mercenaire dont il mesura toute l’horreur à Marignan. Mais alors pourquoi quelques années plus tard souffla-t-il sur le feu et entraîna-t-il les Zurichois dans une guerre contre les « vieux croyants » dans laquelle il allait du reste perdre la vie ? Ce n’est pas le moindre des paradoxes du personnage.

Il en est un autre que le film a le courage de mentionner cruellement. Si la Genève de Calvin fit périr Michel Servet sur un bûcher, Zwingli, lui, garda le silence quand son magistrat décida de faire noyer dans le lac le leader anabaptiste qui avait pris ses distances avec le prédicateur de la foi nouvelle. La liberté de conscience si âprement revendiquée face à l’Eglise romaine trouvait là ses limites. Le réformateur cède à l’ordre établi par l’autorité civile et lui confie la bonne marche de son Eglise. Luther fit de même en soutenant la répression des princes contre les paysans et les serfs qui avaient eu le tort de confondre la liberté chrétienne avec l’autonomie social et politique.

Demeure toutefois que le personnage nous est présenté sous un jour sympathique. Zwingli a pour lui la fougue et les passions de la jeunesse et il est convaincu du bien-fondé du combat qu’il mène au nom de la Sola Scriptura. Donc, à bas le purgatoire, les indulgences tarifiées, la comptabilité des messes pour les morts, l’adoration des images et, tant qu’on y est, à bas les moines parasites et les prélats scandaleux ! Un programme que l’on suivrait volontiers aujourd’hui, y compris le fait que le réformateur zurichois, fidèle en cela à l’apôtre Paul,  propose le mariage des clercs concubinaires. Car « il vaut mieux se marier que brûler ».

Le mot « réforme » résonne avec force ces derniers mois dans les rangs de l’Eglise romaine ébranlée et humiliée par le comportement indigne de certains de ses ministres. Est-ce le « système » qui doit changer, comme le suggère Miche Kocher, journaliste protestant ? Quel propos tiendrait aujourd’hui Zwingli s’il avait voix à ce chapitre ? Peut-être proposerait-il une nouvelle réforme,  mais cette fois-ci à tous ceux et celles qui dans ce pays se disent ou se prétendent encore chrétiens. Un retour commun et solidaire au pur Evangile et donc à Celui qui l’a annoncé et vécu jusqu’à en mourir. Si ce film entrevoit cette perspective, il a déjà gagné son pari.

Zwingli représenté par Hans Asper dans un portrait de 1531. Kunstmuseum Winterthur. (Wikipédia)

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