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Le silence du juste

  • Fr. Guy

Martyr tibétain

Dai Sijie : Les caves du Potala, roman, ed. Gallimard 2020, 187 p.

On connaissait déjà « Les caves du Vatican » d’André Gide et voici celles du « Potala », le palais de Lhassa qui abritait le dalaï-lama jusqu’au jour où l’armée de la République Populaire de Chine lui fit prendre le chemin de l’exil. Mais le pire arriva en 1968 lorsque la barbarie des gardes-rouges détruisit ce qui subsistait encore de la culture et du bouddhisme au Tibet.

L’auteur de ce roman, écrivain et cinéaste, partage actuellement sa vie entre Chine et France et s’est fait un nom parmi les écrivains francophones. Non sans peine, il est vrai. Né en Chine en 1954, il était jeune adolescent quand la « révolution culturelle » emmena ses parents dans un camp de rééducation politique. Dai dut attendre la disparition de Mao pour entreprendre, à Pékin d’abord puis en France, des études vouées à l’histoire et à la culture de son pays, à sa peinture en particulier.

Cet ouvrage se présente comme un roman historique dont la lecture devient éprouvante quand il fait état de la bestialité des gardes-rouges de Lhassa, jeunes étudiants d’une école de « Beaux-Arts » (?) et du sadisme de leur chef. Ils s’en prennent surtout aux tableaux peints dans les temples, les monastères ou les salles du Potala.

Su ce sujet, l’auteur fait preuve d’une érudition aussi remarquable que redoutable. Au risque de décourager ou de lasser son lecteur occidental. Et je doute que les quinze pages de notes en fin de volume suffiront à éclairer sa lanterne. Du moins, la mienne.

Pourtant, ce roman n’est pas écrit pour des scientifiques experts en sinologie. Même en ignorant la géographie des lieux ou la trame détaillée de l’histoire de cette région, on prend goût et plaisir en le lisant. On y découvre des paysages minutieusement décrits comme s’ils étaient peints ; on évoque des faits historiques oubliés comme les guerres de l’opium, l’incendie du Palais d’été, le règne cruel et tragique de l’impératrice douairière Cixi. Sans oublier le rituel de la cour du Potala, les péripéties liées au choix de l’enfant en qui s’est réincarnée l’âme du précédent dalaï-lama et la peinture comme élément indispensable de la liturgie bouddhiste. Là encore, l’auteur se comporte en spécialiste des techniques raffinées de cet art « sacré », ignoré des profanes.

Mais au cœur de ce décor, il y a le destin admirable et tragique d’un homme exceptionnel, le peintre Bastan Pa, jadis au service du dalaï-lama. Les gardes-rouges le font croupir dans une cave du Potala, en attendant de le torturer à mort pour l’obliger à calomnier son ancien maître. En dépit de ses atroces souffrances, Bastan Pa garde le silence et la paix intérieure. Tout en se remémorant les tableaux qu’il peignait autrefois et qui lui ouvrent maintenant le chemin du nirvana.

Bastan Pa, figure tibétaine de Jésus ? Il m’arrive d’y songer.

Vue du Palais du Potala depuis le pied de Chagpo Ri, Lhassa, Tibet (photo : Wikipédia/Ondřej Žváček. Cette image est sous licence internationale Attribution 2.5 Generic (CC BY 2.5))

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